Chronique

Je suis fière de toi, m’man

On vient de terminer l’écoute du film Dérives, et t’es retournée chez toi.  Ça vas-tu, m’man ? que je t’ai demandé avant que tu partes. Oui, ça va là, m’as-tu répondu. Ça brassé pas mal de chose ce film là, mais ça va. Tu le sais, hein m’man que je suis fière de toi ?

Fière d’être ta fille, aussi. Cet été tu as fait partie des 3400 arrêtéEs du Printemps érable. Tu l’as été parce que tu as eu le courage de sortir et d’aller manifester aux côtés de centaines d’autres pour dénoncer la loi spéciale et les fins de non-recevoir du gouvernement. ‘’Manifestement’’, ça dérangeait et toi aussi tu as été victime des abus policiers. Avec tes collègues, vous vous êtes faites demander de façon méprisante pourquoi vous étiez pas couchées par un policier qui avait plus l’air d’un soldat armé pour la guerre que d’un gardien de la paix.  Comme tu as chanté, toi qui chante tout le temps, tu t’es fait dire : ’’t’as fini de chanter toé’’ en te faisant menotter… C’était mal te connaître, toi qui as chanté pendant tout le long des arrestations de la prise en souricière aux longues attentes menottés dans les autobus-prisons…

Tantôt, quand on a fini d’écouter Dérives, tu m’as dit que tu t’étais sentie seule… Et impuissante. On a jasé un peu… On s’est dit que dans le fond ce film-là redonnait la parole aux personnes qui ont été victimes de brutalité policière.  Qu’il nous donnait aussi la possibilité de signer une pétition pour exiger une enquête indépendante sur la brutalité policière au gouvernement. Qu’il servirait aussi à sensibiliser les gens, à les éveiller sur cette partie de la réalité qui n’est pas montrée aux nouvelles du soir…

Et bien je veux te dire encore une fois à quel point je suis fière de toi.  Fière du geste que tu as fait alors de dénoncer publiquement les abus du gouvernement et de ses petits soldats et fière de ta résistance chantée lors de ton arrestation. Triste que tu te sois sentie seule et impuissante, mais heureuse que tu me l’aies partagé.  Tu le sais, m’man, toi qui œuvre auprès de femmes victimes d’agressions sexuelles que ce qu’on a à faire pour se sortir des situations d’abus c’est de prendre la parole. C’est ce que tu as fait alors, et c’est ce que tu m’as transmis. C’est aussi ce que je fais aujourd’hui. Je partage du mieux que je peux tes mots, ton histoire parce qu’elle est vraie, parce qu’elle me touche, et parce que comme Dérives, j’espère qu’elle fera sentir les personnes qui ont vécu la brutalité policière moins seules. 

Merci m’man.