Chronique

Préoccupation double

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Je cherchais quelque chose pour me sortir de ces histoires de COVID, quelque chose pour m’occuper l’esprit pendant cette satanée pandémie. J’ai décidé de faire comme un demi-million de personnes au Québec : suivre la « palpitante » téléréalité Occupation double.

Ma première tentative s’est avérée décevante. Pas facile de passer de la COVID au vrai vide. Après 15 minutes, je n’en pouvais déjà plus. J’ai eu tout de même le temps de trouver un sujet d’intérêt.

Il y avait deux mots qui revenaient souvent dans les conversations : « comme » et « genre ». Exemple de phrase : « Elle m’a comme envoyé ch***, genre ». On remarquera que, dans les deux cas, ces mots ne sont pas employés dans leur sens propre, mais bien comme une expression adverbiale visant à atténuer le propos. Ladite phrase pourrait se traduire ainsi : « Elle m’a presque envoyé ch***, en quelque sorte ».

Intrigué par cette constatation, j’ai choisi de m’astreindre à regarder une émission au complet, mais avec une approche sociolinguistique. La démarche rigoureusement scientifique — digne de Jean-René Dufort — m’a amené à compter le nombre de fois que ces deux mots étaient utilisés par les cobayes durant l’émission. Évidemment, je devais séparer les gars et les filles en deux colonnes.

Disons d’abord que le mot « genre » a été moins utilisé que je ne l’aurais cru. Chez les filles, on l’a employé 9 fois tandis que chez les gars, on l’a émis 12 fois dans le sens de « en quelque sorte ». Un score quasi nul, quoi.

En revanche, le mot « comme », dans le sens de « presque », est revenu 25 fois chez les garçons et, attention, les filles l’ont utilisé pas moins de 36 fois ! Exemple : « J’ai comme pas envie de lui dire, comme ».

Quelle conclusion doit-on tirer de cette analyse ? Pas grand-chose, sinon que l’utilisation fréquente de ces mots dénote une certaine hésitation à s’affirmer clairement. Ils sous-entendent que c’est « presque ça » ou encore « pas tout à fait ça » qu’ils veulent dire.

Cette hésitation contraste avec l’image que l’on se fait de cette génération — les milléniaux — qui a plutôt la réputation de s’affirmer fortement. Derrière cette apparente détermination, se cacherait-il un certain doute ?

***

Un groupe de jeunes qui vivent ensemble dans une maison de campagne, dans les années 70, on appelait ça une commune. J’en ai visité une, à cette époque, dans le petit rang de la Pointe-du-Jour, près de Saint-Hyacinthe. La maison était beaucoup moins luxueuse, les vêtements étaient très différents, et les préoccupations existentielles étaient d’un tout autre ordre, me semble-t-il, mais les jeunes boomers que nous étions avaient aussi leurs doutes.

Je me souviens que nous étions tous et toutes assis/assises par terre autour d’un imposant narguilé. On se passait le tuyau d’où sortaient des vapeurs alors défendues, mais aujourd’hui permises. Après, nous avons mangé une grosse fondue au fromage préparée par un cuistot particulièrement créatif. La bouffe était too much, man. C’était comme la « plus meilleure » fondue au monde, genre…