Chronique

Quand la FFQ donne son appui à l’industrie du sexe

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Le 28 octobre dernier, la Fédération des femmes du Québec (FFQ) a adopté en assemblée générale la proposition suivante (parmi d’autres propositions) : 

Attendu que des femmes s’identifiant clairement comme travailleuses du sexe sont présentes au sein de la FFQ et contribuent à la vie associative depuis des décennies. 

Attendu que les femmes dans l’industrie du sexe considèrent leurs pratiques comme un travail incluant le droit d’accéder aux protections des normes du travail, de santé et sécurité au travail et autres protections liées à l’emploi :

Que la FFQ reconnaisse l’agentivité des femmes dans la prostitution/industrie du sexe incluant le consentement à leurs activités.

Je crois sincèrement que les membres de la FFQ souhaitaient la même chose lors de cette assemblée générale, qu’elles soient favorables au modèle nordique, qui voit dans la prostitution une forme d’exploitation sexuelle, ou qu’elles approuvent le concept de travail du sexe : les membres de la FFQ appuient les femmes prostituées. 

Je n’ai jamais de ma vie parlé avec une militante prônant le modèle nordique (dit abolitionniste) ou une militante pro-travail du sexe qui n’ait pas souhaité protéger toutes les femmes, qu’elles se disent  survivantes d’exploitation sexuelle ou travailleuses du sexe.

La FFQ a fait un choix par la voix de ses membres. Elle a clairement adopté une des deux grandes approches existantes, celle qui cautionne l’industrie du sexe, ouvrant ainsi la porte à la décriminalisation des client•e•s et des tiers (proxénètes). Je dis bien ouvre la porte, puisqu’elle avalise le modèle de la décriminalisation de la prostitution, modèle porté par le lobby de l’industrie du sexe. 

Est-ce que c’était le rôle de la FFQ d’adopter une des deux positions féministes en matière de prostitution au détriment de l’autre ? 

Déjà, la question se pose. Si la Fédération souhaitait ne pas exclure, eh bien, force est d’admettre qu’elle a à tout le moins erré à cet égard. 

Car ne vous y trompez pas : s’il y a bien un dossier politique, c’est bien celui-là. À l’heure où le gouvernement fédéral envisage la décriminalisation des clients et des tiers, que la FFQ ait adopté pareille proposition ne sera pas sans conséquences pour la suite des choses. 

Les faits démontrent pourtant, et je me tape moi-même sur les nerfs à force de le répéter, que la sécurité des femmes prostituées passe par le modèle nordique. Il suffit pour le constater de prendre connaissance des résultats produits par le modèle de la décriminalisation tous azimuts, comme en Allemagne, par rapport à la situation dans les pays qui ont mis en œuvre le modèle nordique. 

Ainsi, en appuyant le choix individuel (et bien légitime, mais là n’est pas la question) de celles qui choisissent librement la prostitution en y professant le travail du sexe, la FFQ vient du même coup de laisser tomber les femmes qui n’y sont pas par choix. Et ne vous y trompez pas, ces dernières sont largement majoritaires. Ce sont les survivantes, comme elles se nomment elles-mêmes, au même titre que celles qui s’identifient en tant que travailleuses du sexe. Parler de choix, c’est aussi celui de choisir l’étiquette que l’on accepte de porter. 

Personnellement, je m’attendais à plus de la part de la FFQ. Je me serais attendue à ce qu’elle fasse des propositions en appui à toutes les femmes prostituées, tant les femmes travailleuses du sexe que les survivantes. Les propositions peuvent sembler parfaitement opposées, sauf dans le désir de protection des femmes prostituées, et c’est à cet arrimage qu’il aurait fallu réfléchir avant tout.

J’observe d’ailleurs le même glissement un peu partout. On glorifie les droits individuels au détriment des droits collectifs. On s’attarde au droit de travailler de certaines au détriment de la majorité qui affirme être exploitée sexuellement. 

On s’attarde, comme Fédération des femmes, aux droits individuels, plutôt que de s’attarder aux causes sociales qui engendrent ces situations : la pauvreté, le sexisme, le patriarcat, le capitalisme. 

Je peux dire que je suis amèrement déçue, pour ne pas dire découragée, mais le dialogue doit se poursuivre entre toutes les féministes, car cette plus vieille exploitation du monde ne peut être camouflée dans un statu quoqui n’est bénéfique à aucune femme ayant un vécu prostitutionnel, actuel ou passé.