Chronique

Respecter le centre-ville

Dans la foulée du projet de construction de la tour Réseau Sélection, une vingtaine d'unités de logements devront être détruites sur la rue St-François pour faire place à des cases de stationnements. Photo : Nelson Dion

Un centre-ville, c’est un peu comme une vieille personne : elle a du vécu. On y fait attention, on ne la bouscule pas, on la respecte. Et lorsqu’elle est malade, on la soigne. On ne lui administre pas un électro-choc.

Comme dans bien d’autres municipalités, le centre-ville de Saint-Hyacinthe a des problèmes de santé. Il faut le comprendre, il a presque 200 ans.

Toute l’histoire de la naissance de la ville y est concentrée. C’est là que nos ancêtres ont commencé à travailler, à faire du commerce et surtout à se rencontrer. Un marché, une église, une école, des manufactures et des magasins : la base d’une société quoi.

Bien sûr que tout ça a évolué au fil des années. La plupart des manufactures ont été démolies ou ont changé de vocation. L’église est devenue une salle de spectacles, mais on a fait la transformation en respectant l’architecture initiale.

Le marché public a pris un coup de vieux, c’est normal. On est en train de le rénover avec attention, en prenant son temps. Bref, avec respect lui aussi. Au fil des années, on a démoli ou rénové des maisons, certes, mais sans tout chambouler autour.

Une rivière coule aux abords de ce quartier, c’est une richesse. On y aménagera bientôt une superbe promenade après avoir consulté convenablement la population. Encore une fois, on a agi avec respect.

Comme une tonne de briques

Puis un jour, un riche entrepreneur, venu d’ailleurs, découvre la beauté des lieux. Il se dit : « Tiens, tiens, voilà un bel endroit pour construire ma trente-cinquième résidence pour retraités. Une grande tour avec vue sur la rivière. Ça va se louer vite! »

Dans la foulée du projet de construction de la tour Réseau Sélection, une vingtaine d'unités de logements devront être détruites sur la rue St-François pour faire place à des cases de stationnements. Photo : Nelson DionTout de go, il présente son projet aux autorités municipales qui, éblouies par ces millions venus d’ailleurs, lui déroulent le tapis rouge. Et on est pressé, d’autres projets émergent et l’investisseur ne veut pas se faire couper l’herbe sous les pieds. Pas le temps de consulter. On présentera le projet une fois qu’il sera bien ficelé. La population n’y verra que du feu.

C’est comme une tonne de briques qui échoue dans un quartier résidentiel : une secousse dans un environnement urbain densément peuplé. Bien sûr, l’amas tombe dans un stationnement, vous direz, mais il y aura des dommages collatéraux. L’effet domino fera qu’on détruira des habitations pour faire de nouvelles places aux sacrosaintes automobiles. Commerce oblige.

Le quartier Christ-Roi n’est pas le nord de la ville : sa structure est fragile. On y plante pas une tour (à l’esthétique douteuse, à mon avis) qui masquera le paysage riverain durant des décennies. Au nord, on peut construire des tours, des centres d’achat ou de congrès, ça va, c’est du développement, c’est du progrès. On ne chasse pas les résidents pour autant.

Mais on ne débarque pas dans une plate-bande patrimoniale avec ses gros sabots, fussent-ils en argent. C’est comme planter un pieu dans une ruche d’abeilles. Et on voudrait qu’elles ne réagissent pas?

J’imagine que les autorités municipales ne veulent pas bulldozer le centre-ville. On dit vouloir le dynamiser, le revitaliser, le diversifier. Mais ne dit-on pas que l’enfer est pavé de bonnes intentions?