Chronique

Un vieux fond bleu

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Durant la campagne électorale, j’ai entendu un commentateur politique se demander si la circonscription de Saint-Hyacinthe—Bagot avait encore un « vieux fond bleu ». D’où vient cette perception que l’électorat d’ici a de profondes racines conservatrices ? Est-ce justifié ?

J’ai voulu en avoir le cœur net et j’ai recensé toutes les élections fédérales depuis la création du comté, en 1933. Eh bien, oui ! Cette perception a du vrai.

En 86 ans, le Parti conservateur du Canada (PCC) a représenté la circonscription durant pas moins de 30 ans. Il faut dire que son éternel rival, le Parti libéral du Canada (PLC), le suit de près avec 28 années de règne, dont 22 au tout début des confrontations, entre 1935 et 1957.

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Durant la campagne électorale de 1993, trois journalistes vedettes ont débarqué, ensemble, en territoire maskoutain. Je les ai rencontrés alors qu’ils interrogeaient les gens autour du marché centre.

Chantal Hébert, Michel C. Auger et Jean Lapierre venaient vérifier quelque chose. Devinez quoi ? Est-ce que les électeurs et les électrices de Saint-Hyacinthe—Bagot avaient encore le fameux « vieux fond bleu » ?

Le lendemain, dans leur média respectif, ils ont avoué que ce n’était pas évident. À preuve, ils avaient visité le local électoral de la conservatrice Andrée Champagne et personne ne s’y trouvait. La chose s’est confirmée le jour du scrutin, alors que la célèbre Donalda, des Belles Histoires des pays d’en haut, a terminé troisième, derrière la libérale Hélène Riendeau et le bloquiste Yvan Loubier.

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Il faut dire que Mme Champagne, à ce moment-là, sollicitait un troisième mandat après avoir remporté ses élections en 1984 et en 1988. Avant cela, c’était le libéral Marcel Ostiguy qui occupait le siège.

Pour retrouver l’autre période conservatrice expliquant le fond bleu, il faut remonter en 1972, alors que l’avocat Claude Wagner — candidat vedette du PCC parachuté dans le comté — a occupé ce poste pendant six ans. Avant lui, l’agent d’assurances Théogène Ricard a tenu le rôle de député durant une quinzaine d’années sous la bannière conservatrice, soit de 1957 à 1972.

Fait à noter, Andrée Champagne et Claude Wagner ont, tous les deux, été nommés au Sénat canadien après leurs défaites. Étrangement (ou pas), un autre candidat conservateur est devenu sénateur après son insuccès. À l’élection de 2011, Jean-Guy Dagenais avait obtenu la troisième place avec seulement 16 % des voix. Le premier ministre Stephen Harper l’a nommé sénateur l’année suivante et il est encore là.

À cette élection, à la surprise générale, c’est Marie-Claude Morin, du Nouveau Parti démocratique (NPD) qui a gagné dans la foulée de la « vague orange » initiée par son chef, Jack Layton. Au scrutin suivant, en 2015, Brigitte Sansoucy a repris le flambeau du NPD pour un total de huit années de domination néo-démocrate.

Au 20 septembre 2021, le Bloc québécois aura représenté la circonscription pendant 20 ans, principalement avec Yvan Loubier. Dans 20 ans, en 2041, quand on évoquera le fameux « fond bleu », au lieu des racines conservatrices, parlera-t-on plutôt du fond bleu Bloc ?