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Auassat : À la recherche des enfants disparus

La journaliste, Anne Panasuk

À la fin des années 70, alors qu’Anne Panasuk étudie en anthropologie à l’Université de Montréal, elle accompagne son professeur Rémi Savard pour travailler sur la Côte-Nord. Son passage à Natashquan lui permet de créer des liens avec les Autochtones, ce qui l’amène ensuite à travailler à Radio-Canada Côte-Nord. C’est ainsi que débute la carrière de journaliste d’Anne Panasuk, bien connue pour ses reportages à l’émission Enquête de Radio-Canada, lesquels ont reçu plusieurs récompenses. Son livre Auassat : À la recherche des enfants disparus, paru l’automne dernier, est finaliste au Prix des libraires du Québec.

Les mystérieuses disparition

L’autrice s’inspire de trois reportages qu’elle avait réalisés pour l’émission Enquête (Pakuashipi : à la recherche des enfants disparus, Les enfants et Les Oblats : régner sur les âmes et les corps) et des huit épisodes du balado Histoire d’enquête : chemin de croix. Divisé en 14 chapitres, son texte relate de façon chronologique ses démarches entre 2014 et 2019 pour chercher la vérité, éclaircir les zones d’ombre et dénoncer les responsables des enfants disparus, volés ou vendus.

Un passé douloureux

À l’hiver 2014, Anne reçoit l’appel d’une amie rencontrée autrefois à Natashquan. Marie-Marthe Malec veut aider Louisa qui est sans nouvelles de sa sœur Odette, hospitalisée à Blanc-Sablon au début des années 70 pour une grippe. À l’époque, Odette, un bébé d’un an, a été envoyée à l’hôpital de Blanc-Sablon en avion, sans escorte. Quarante ans plus tard, Louisa est toujours sans nouvelles de sa sœur; pire, à l’hôpital, le nom de sa sœur Odette n’apparaît nulle part. Anne apprend qu’il y a huit ou neuf autres enfants de Pakua Shipi qui ont disparu de la même façon à la même époque. C’est le début d’une longue et difficile enquête.

La journaliste livre le fruit de ses recherches menées dans les archives, mais aussi des témoignages et des entrevues. Au fil du temps, la confiance s’établit et les langues se délient. Richard Kistabish, Anishnabe, explique le long silence des Autochtones : « Personne ne veut entendre la peine des parents qui ont perdu un enfant, alors tu te la fermes, tu endures et t’encaisses. […] Autrefois, ces gens-là, au lieu de crier comme on le fait aujourd’hui, ces gens-là se tuaient, la douleur était trop immense. Ça faisait trop mal. »  

Les monstrueux missionnaires

Des Oblats de Marie-Immaculée sont envoyés dans huit communautés autochtones. Les pères « qui régnaient en rois et maîtres » ont contribué à la disparition des enfants en plus d’avoir agressé, enlevé et abusé fillettes, garçons et femmes pendant de nombreuses années. Les témoignages recueillis ont permis de documenter des agressions sexuelles commises par d’odieux missionnaires qui abusaient de leur autorité. Détenant le monopole du téléphone et de la poste, les Oblats contrôlaient tout. Par exemple, ils faisaient signer un formulaire aux parents afin que leur enfant reçoive des soins, mais en petits caractères on pouvait lire qu’ils consentaient à abandonner leur enfant.

Des traumatismes

Pour une personne qui dénonce, neuf autres se taisent toujours. Plusieurs se sont suicidés, incapables de vivre avec leur secret. D’autres souffrent toute leur vie et transmettent cette douleur aux générations suivantes : « Parce que, nous autres, on vit les impacts, pareil, ses enfants, on supporte maman qui est toujours en consommation, en boisson, parce qu’elle a de la misère à vivre avec ça même encore aujourd’hui, ça fait des années. J’ai 45 ans, ma sœur en aurait 44. Elle aurait eu 44 ans au mois de juillet. Ma mère a toujours pleuré, hein. Nous autres, on a dû supporter ça, on supporte encore la tristesse titanesque de ma mère d’avoir perdu une fille. […] Il va falloir qu’un jour il y ait une vérité, qu’il y ait une guérison quelque part. »

Anne Panasuk a consacré une grande partie de sa carrière à cette cause. Dans cet essai troublant, elle donne la parole aux victimes, permettant aux survivants de retrouver une dignité tout en dénonçant les coupables. À lire absolument!

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Anne Panasuk. Auassat : À la recherche des enfants disparus. Édito, 2021, 185 p. (Collection Documents)

La journaliste, Anne Panasuk