Des images et des mots

L’automne dernier, Philippe Chagnon, qui a déjà publié trois romans et quatre recueils de poésie chez différents éditeurs, publiait un nouveau recueil de poésie aux Éditions du Noroît, intitulé Ellipses. Cette œuvre a été réalisée en collaboration avec Louise Gros, une artiste imprimeure française qui se spécialise en gravure et lithographie. Cette association a produit un très bel objet à lire au rythme des images et des mots.

La démarche

Pendant plusieurs mois, Philippe Chagnon a envoyé régulièrement des photographies de son quotidien à Louise Gros qui les transformait et qui les retournait au poète pour qu’il s’en inspire à son tour. Le noir et blanc des images ainsi que le grain des lithophotocopies ajoutent densité et abstraction aux clichés.

De cet échange naissait un texte : « Chaque jeudi, un duo/poème se voyait publier sur les réseaux sociaux, à la manière d’un journal de bord. » Quelques années plus tard, riche de cette expérience, Philippe Chagnon a revu les textes en collaboration avec les Éditions du Noroît afin de créer un recueil.

Écriture et paternité

L’elllipse – en littérature – se permet de retirer des mots mais suggère, sous-entend et donne du rythme au texte. En ouverture de son recueil, le poète définit cette figure ainsi : « Séquence d’éloignements et de rapprochements nécessaire à l’artiste pour observer son œuvre. » Voilà comment les images retouchées par l’artiste offrent une nouvelle vision au poète. À partir d’une photo retouchée d’une lampe-ventilateur au plafond, il imagine : « Ce son : on aurait dit le vent, mais c’était le facteur ou le chien du voisin. L’écriture se dérobe, prend corps puis vacances. Je m’attelle à la lecture d’ouvrages pertinents. J’établis des liens entre les photos que j’ai prises – il y en a beaucoup. Devant ce flot, je baisse pavillon. Un félin frôle mes jambes en courant d’air. On sonne à la porte : personne. C’était bien le vent qui m’écoutait. »

Ce rendez-vous hebdomadaire entre Philippe Chagnon et Louise Gros oblige le poète à créer, malgré le petit quotidien bouleversé par l’arrivée d’un nouveau-né, le manque de sommeil, le temps qui file… dans cette vie de famille : « Je n’y échappe plus. Contemple tout ce qu’il reste à accomplir avant d’aller au lit. Je ferme les yeux sur le texte de cette semaine et range ma mémoire sous l’évier. Cette ultime tentative d’obéir au rythme imposé me terrorise. Lorsqu’il n’y a plus de corvées, je gagne du recul. En cachette, je tresse les draps. Planifie m’évader le long du matelas. »

Comme Philippe Chagnon, plusieurs poètes ont publié des œuvres en collaboration avec des artistes en arts visuels et c’est toujours un grand plaisir de les découvrir.