Culture

La réinvention tranquille du Centre des arts Juliette-Lassonde

Photo : Nelson Dion

L’année 2020 a été éprouvante pour de nombreux artistes. Frappés de plein fouet par la pandémie de COVID-19 et le confinement, ils n’ont d’autres choix, depuis mars dernier, que de se réinventer. Il en est de même pour les organismes culturels, dont le Centre des arts Juliette-Lassonde de Saint-Hyacinthe. Son équipe compte d’ailleurs offrir, dès que possible, des formules de spectacles novatrices, intéressantes et respectueuses des règles sanitaires, question de garder les arts vivants… bien vivants !

En 2020, en raison de la pandémie, annuler ou reporter des spectacles est devenu le pain quotidien du Centre des arts Juliette-Lassonde, et les pertes financières aussi… « On enregistrait alors un déficit de 240 000 $ pour l’année en cours », estime son directeur général et artistique, Jean-Sylvain Bourdelais. Le vent a toutefois tourné lorsque le gouvernement Legault a annoncé une aide financière de 50 millions de dollars pour les organismes culturels québécois, en octobre dernier. « Cette aide nous permet notamment de compenser les revenus de billetterie et de payer les artistes et artisans malgré l’annulation d’un spectacle », explique M. Bourdelais. Soutenue ainsi financièrement, l’équipe du Centre met maintenant toutes ses énergies à peaufiner trois formules de spectacles, soit les formules distanciation, virtuelle et ambulatoire.

L’art en salle

Lorsque les salles de spectacles du Québec ouvriront de nouveau (le 8 février 2021 au plus tôt), le public maskoutain pourra renouer contact avec le Centre des arts Juliette-Lassonde grâce à la formule distanciation. Cette formule peut se résumer ainsi : présenter un spectacle devant un public restreint afin de respecter les mesures sanitaires en vigueur. « On a rodé cette formule d’août à octobre dernier, avant que Saint-Hyacinthe tombe en zone rouge, souligne Jean-Sylvain Bourdelais. On appliquait alors des règles sanitaires strictes, telles qu’orchestrer l’entrée et la sortie des salles, laisser des bancs libres entre les spectateurs, exiger le lavage des mains et le port du masque. Les spectateurs ont beaucoup apprécié ces mesures. Même que la majorité d’entre eux ont déclaré s’être davantage sentis en sécurité dans nos salles que dans les épiceries ! »

Photo : Nelson Dion

Une bonne nouvelle quand on sait que le Centre a acheté pour 17 000 $ d’équipements de nettoyage, dont des canons pour laver les bancs, des panneaux de type Plexiglas ainsi que des produits désinfectants. « S’équiper ainsi était nécessaire pour assainir les salles avec rapidité et efficacité », ajoute le directeur. Cela dit, bien que le public s’adapte plutôt bien à la formule distanciation, certains artistes n’aiment pas jouer devant des salles à moitié vides et préfèrent reporter leurs représentations.

L’art chez vous

En attendant que le Centre puisse de nouveau aller de l’avant avec la formule distanciation, son équipe travaille d’arrache-pied à mettre en place la formule virtuelle. Grâce à elle, les spectateurs pourront regarder en ligne (et du confort de leur salon !) un spectacle capté en direct ou en différé au Centre. « On n’est pas encore prêts à offrir cette option, mais on y travaille. On a d’abord dû acheter l’équipement numérique, qui représente un investissement de 50 000 $. Et maintenant, on doit former les employés. Si tout va bien, on pourra présenter un premier spectacle virtuel en mars prochain », affirme Jean-Sylvain Bourdelais qui, il y a quelques mois, résistait encore à cette tendance.

Il n’est pas le seul. « Encore une fois, plusieurs artistes ne sont pas chauds à l’idée de parler devant des bancs vides, particulièrement les humoristes, qui carburent aux rires d’une salle. » Heureusement, certains arts, comme la danse, s’adaptent plus facilement au virtuel. « On reçoit beaucoup de vidéos où on voit des danseurs performer dans des endroits inusités. Et depuis la populaire émission de danse Révolution, le public semble friand de ce type de performances et être prêt à payer pour en regarder. »

L’art un peu partout

La troisième option, pour sa part, est la formule ambulatoire, qui permettra aux arts d’aller vers les gens. « Que ce soit du théâtre ambulatoire dans les rues, de la musique sur des chars allégoriques, des musiciens qui performent dans les Galeries Saint-Hyacinthe, le but est que les arts rejoignent le public là où il se trouve, pour mettre un peu de vie pendant (et après) cette pandémie. » Bien sûr, cette formule sera possible lorsque les rassemblements seront permis.

Ce n’est pas tout : en mars et en avril, le Centre des arts Juliette-Lassonde se promènera dans les écoles avec le projet Asteria. Créé par Noisy Head Studio, La Fougue et La Maison Fauve, Asteria permet aux jeunes de vivre une expérience de réalité virtuelle autour d’artistes populaires tels que les chanteurs Vincent Vallières et Daniel Bélanger, la pianiste Alexandra Stréliski, le rappeur FouKi et la chanteuse Dominique Fils-Aimé. « Grâce à un casque de réalité virtuelle, les jeunes voient, par exemple, Vincent Vallières interpréter une chanson sur scène pour le voir ensuite assis à côté d’eux, en train de leur expliquer la création de cette chanson ! » Après la représentation, d’une durée de 60 à 75 minutes, un artiste numérique discute avec les élèves de réalité virtuelle et des métiers qui y sont associés.

L’art à prix divers

À noter que les coûts des billets pour ces trois formules diffèrent. Alors que la formule ambulatoire est gratuite (à l’exception d’Asteria, qui coûte 10 $ par élève), les billets pour la formule virtuelle varieront entre 10 et 20 $. Pour ce qui est de la formule distanciation, les spectateurs doivent s’attendre à débourser entre 20 et 60 $.

L’avenir est entre nos (lavages de) mains

Pandémie ou pas, certaines formules, telles que les formules virtuelle et ambulatoire, resteront. « Quant à la formule distanciation, on y mettra fin dès que la situation de santé publique reviendra à la normale, affirme Jean-Sylvain Bourdelais. Ce qui dépend, bien sûr, de la progression de la COVID-19… »

Du moins, que ce soit en formule distanciation, virtuelle ou ambulatoire, le directeur du Centre des arts Juliette-Lassonde n’a qu’un souhait : que le public soit au rendez-vous. « Les artistes ont besoin de vous. » Et admettons-le, on a vraiment besoin d’eux aussi.