Culture

Lire en vacances avec Andréane Frenette-Vallières

Née en 1990 à Mont Saint-Hilaire, Andréane Frenette-Vallières a étudié à l’UQAM en littérature. Aux éditions du Noroît, elle publiait Juillet le Nord en 2019, Sestrales en 2020 et Tu choisiras les montagnes en 2022. Cet essai littéraire, finaliste au Prix des Libraires du Québec 2023, offre une version remaniée de son mémoire de maîtrise en création littéraire. Sur un ton poétique et intime, l’autrice aborde la délicate question de la violence conjugale. Un texte très touchant, d’une grande beauté !

La nature salvatrice

D’entrée de jeu, la poète confie ouvertement sa situation : « Le premier partenaire amoureux de ma vie adulte a été violent avec moi. Cette phrase, je l’ai écrite des centaines de fois, sans arriver à la comprendre, sans pouvoir lui trouver une place dans mon histoire où elle se tiendrait tranquille sans déborder. Cette phrase déborde dans chaque menu détail de mon existence. »

Cet essai poétique, féministe et autobiographique témoigne de la violence et de l’amour qui habitent la poète. Dans le retrait, la solitude, le silence de la nature, elle se réfugie pour accéder à une renaissance difficile mais possible. Afin de vivre ce contact privilégié avec la nature, elle choisit d’écrire au cœur de vastes paysages dont la Côte Nord, L’île d’Anticosti et les montagnes.

Dans la solitude des grands espaces surgit une voix intérieure : « Parce que j’écris, j’ai besoin de disparaître en bloc pour retrouver, paradoxalement, cette disponibilité et cette présence pour les êtres et les choses du monde Les longues heures accueillent la confusion que je déplace du fouillis à la lumière. »

Une narration en duo

Composé de fragments regroupés en six parties, Tu choisiras les montagnes raconte une quête à deux voix, celle de la poète et celle de Mona, personnage inventé à qui elle s’adresse : « Je t’écris depuis la maison de vent. Je n’appartiens plus au monde. J’ai couché les herbes hautes pour me tapir sous les hirondelles. Des sternes vont et viennent dans ma tête, des idées m’obsèdent, me contraignent. Elles me contraignent car au lieu de me donner une force d’agir, elles paralysent. Je cherche en elles une solution avec les moyens du bord, avec ma fermeture, avec ma froidure. Je suis captive. » Ces pages en italique se distinguent des pages en caractères romains où la chercheuse s’exprime, cite les auteurs et autrices qu’elle lit dans le cadre de ses études : « Être une femme, c’est traverser chaque jour l’espace domestique, social et idéologique sous la menace d’être agressée. Cela fait partie des violences spécifiques    qui compromettent la parole des femmes et tendent à faire d’elles des sujets définis en négatif. … Il n’y a rien que je trouve à faire, Rien d‘assez grand pour la catastrophe qui m’est présentée. Alors j’écris de très petits poèmes, des chansons, des rêves, des lettres. Et je les protège fermement. »

Cet essai se lit comme un récit au long duquel on suit la démarche de l’autrice et de son personnage, Mona. Elles passent de la mer à la forêt pour finalement accéder aux montagnes. Dans cette quête intérieure vers la liberté, l’authenticité et la lumière, la montagne se fait rassurante : « Ce sentier en montagne, c’est celui de mon plus jeune âge.  […] Cette montagne a toujours consolé. Cette montagne comme une mère. Elle m’a donnée envie de force. »

Un livre à mettre entre toutes les mains.

****************

Andréane Frenette-Vallières. Tu choisiras les montagnes.  Éditions du Noroît, 2022, 199 p. (Collection Chemins de traverse)