Culture
Lorraine Gilbert à Expression

PHOTOS GRANDEUR NATURE HUMAINE

Image pour les listes

 

C’est un parcours photographique de 25 ans que nous propose Expression, Centre d’exposition de Saint-Hyacinthe, avec sa nouvelle présentation qui a débuté le 17 août dernier. Le titre de l’exposition, Lorraine Gilbert – Paysages canadiens 1988-2013, pourrait laisser présager une série de «cartes postales» captées à travers le pays au cours des années. Mais c’est plutôt à une observation éclairée de la nature et du comportement humain que nous convie Lorraine Gilbert.

Elle enseigne actuellement les arts visuels à l’université d’Ottawa, mais ce sont d’abord les sciences qui l’ont passionnée, notamment la biologie. Cette formation scientifique, qui l’a amenée à planter des arbres dans l’ouest canadien, marquera son travail de photographe.

 

Les plaines LeBreton (Ottawa, Ontario), série Once (Upon) a Forest. Encre à pigments sur polypropylène, 17 pieds par 5 pieds.

Ce sera particulièrement le cas pour une œuvre récente, un diptyque intitulé Once (Upon) a Forest qui a été réalisé en 2010.

À première vue, les deux immenses photos représentent une végétation variée, l’une en pleine forêt et l’autre devant une grande ville que l’on perçoit à l’horizon : métaphore de l’urbanisation qui repousse progressivement la nature qui n’en conserve pas moins sa beauté.

En y regardant bien, ce sont les mêmes plantes qui reviennent, mais à des saisons différentes, du printemps à l’automne : une démonstration de l’effet du temps.

Pour réaliser ce tour de force, Lorraine Gilbert a dû numériser chacune des plantes, les cataloguer tel un herbier, les découper puis les replacer dans cette composition inventée. Bref, un travail de moine… ou de scientifique.

Pour apprécier dans toute sa complexité l’œuvre de l’artiste, il faut prendre la peine de se rapprocher, de s’arrêter et d’observer les détails. Les clichés ayant été pris en très haute résolution, c’est comme si l’on scrutait la nature à la loupe.

Les spores d’une fougère, une minuscule araignée qui s’accroche : d’infimes petites choses qui normalement nous auraient échappé. « C’est un peu comme si je jouais à Dieu, lance-t-elle en riant. C’est un peu comme si je recomposais la nature ».

Mais contrairement au Grand Créateur qui a complété le tout en sept jours, Lorraine Gilbert a mis plus d’un an à réaliser chacune de ses toiles.

L’œil de photographe

Cette obsession pour le détail, on la retrouve également dans la série The Messengers : quatre photographies moins grandes que les précédentes et portant un tout autre message.

Paint Cans (détail)

Au hasard d’une promenade, Lorraine Gilbert découvre une palissade couverte de graffitis : un peu comme il en existe sur le bord de la Yamaska. Mais ce ne sont pas les graffitis qui l’intéressent. Son œil de photographe – et peut-être aussi sa curiosité scientifique – l’amène plutôt à observer les objets qu’ont laissés derrière eux les graffiteurs.

Des bombes aérosol, évidemment, des cannettes de bière, le couvercle d’un café Tim Horton et une série de tucs hétéroclites jonchent le sol. En apparence, ces images n’ont pas été retouchées. Mais encore une fois, il faut se rapprocher pour apprécier vraiment le travail de l’artiste.

Telle une ethnologue ou une archéologue qui étudie le 21e siècle, Lorraine Gilbert décortique ces artéfacts contemporains, démontrant du même coup que ces graffiteurs font partie intrinsèque d’une société qu’ils entendent dénoncer. L’œil averti y verra tout un travail de recomposition.

Une trentaine de photos

L’exposition entière comporte une trentaine de photos. Les plus anciennes sont en noir et blanc et évoque la période où la scientifique plantait des arbres en Colombie-Britannique. La série Shaping the New Forest témoigne des effets dévastateurs que l’exploitation des ressources naturelles produit sur l’environnement.

Lorraine Gilbert a constaté que les paysages du Québec sont aussi modelés par les transformations que l’Humain y apporte au nom du progrès. La série Patrimoine illustre cette «évolution» parfois discutable.

Enfin, les visiteurs seront accueillis par une très grande photo, Vue du parc Algonquin depuis le nid d’aigle. Un conseil : ne passez pas trop vite devant cette œuvre. Approchez-vous et observez. Je vous lance un défi : retrouvez la photographe qui s’est elle même reproduite dans ce décor majestueux. Un indice : elle est grimpée sur un toit…

Lorraine Gilbert
Paysages canadiens 1988-2013

Du 17 août au 27 octobre 2013
Visite commentée le samedi 14 septembre à 14h.
Vernissage le samedi 14 septembre à 15h.

EXPRESSION
Centre d’exposition de Saint-Hyacinthe
495 avenue Saint-Simon