Environnement
Entrevue avec Jacques Tétreault

Schiste: « L’avenir est inquiétant »

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Jacques Tétreault est sorti déçu des audiences du BAPE tenues récemment à Saint-Hyacinthe. Déçu et inquiet. Et ce n'est pas l'arrivée du nouveau gouvernement libéral de Philippe Couillard qui va le rassurer. Bien au contraire.

Photo: Paul-Henri Frenière.

En entrevue au journal MOBILES, le porte-parole du Regroupement interrégional sur le gaz de schiste de la vallée du Richelieu n'a pas caché son inquiétude. « En général, je suis quelqu'un d'optimiste. Il le faut pour l'avenir de mes enfants et de mes petits-enfants. Mais je dois avouer qu'à ce moment-ci, j'ai de la difficulté à trouver des éléments positifs dans l'évolution des choses » confie-t-il.

Malgré des problèmes de santé, Jacques Tétreault a assisté à pratiquement tous les exposés d'experts qui ont défilé durant les 11 jours qu'a duré la première partie de l'enquête du BAPE portant sur les enjeux liés à l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste des basses-terres du Saint-Laurent.

Des universitaires venaient présenter le résultat des recherches qu'on leur avait commandées dans le cadre de l'Étude environnementale stratégique. Un flot continu d'informations, parfois inutiles, qui contribueraient finalement à noyer le poisson, estime Jacques Tétreault.

« Imaginez. On a demandé à un chercheur s'il y avait suffisamment d'eau au Québec pour alimenter la fracturation hydraulique. Au Québec! Dans la vallée du Saint-Laurent, l'une des plus grandes réserves d'eau douce au monde. Celle-là, je l'ai trouvée drôle… »

Mais Jacques Tétreault n'a pas eu l'occasion de rire souvent durant ces audiences. Des audiences qui, précisons-le, ne recevaient pas les opinions de ceux qui étaient dans la salle ou dans les autres villes où étaient diffusés les exposés via le web.

Un geste d'éclat… sans couverture médiatique

La nuit précédant la présentation portant sur l'acceptabilité sociale des « communautés d’accueil », Jacques Tétreault avait de la difficulté à dormir. « Je savais que le lendemain, un chercheur de l'Université du Québec à Rimouski tenterait de démontrer que l'opposition des citoyens envers l'exploitation du schiste pourrait être renversée à la longue. Il fallait simplement les convaincre. Ça m’écœurait. Il fallait faire quelque-chose».

Tôt le matin, il a communiqué avec ses collaborateurs du Regroupement. Il leur a proposé de faire un geste d'éclat pour signifier leur désaccord. « C'était inacceptable. C'était comme si dès le départ, le BAPE estimait que la cause pour laquelle nous nous battons depuis quatre ans n'avait aucun sens. Que nous n'avions rien compris et qu'il fallait juste plus de temps pour nous convaincre ».

Photo: Paul-Henri Frenière.

Pendant la période de questions suivant l'exposé, un membre du Regroupement, Richard Chartier, a présenté une pile de signatures de citoyens qui s'opposent au projet : prés de 30 000 noms qui s'ajoutent à ceux, encore plus nombreux, déjà déposés à l'Assemblée nationale  depuis 2012.

Puis, la bande à Jacques Tétreault, suivant son invitation, est carrément sortie de la salle, imitée en cela par leurs amis de Bécancour et de Saint-Agapit qui regardaient la scène sur leurs écrans. Un geste qui est demeuré malheureusement peu connu puisque aucun média, régional ou national, n'était présent.

« Entre les audiences de 2012 et celles d'aujourd'hui, il aurait fallu faire un large débat public. Ce qui n'a pas été fait, déplore Jacques Tétreault. J'ai comme l'impression que le gouvernement, de concert avec l'industrie, veut étirer les choses (et épuiser les militants bénévoles) jusqu'au moment où le prix du gaz et du pétrole va monter ».

Après la deuxième partie des audiences qui aura lieu en juin, le BAPE devrait déposer son rapport en novembre. Et le gouvernement ne sera aucunement tenu de respecter les recommandations. "On retrouve beaucoup de hauts fonctionnaires de l'ancien gouvernement libéral qui travaillent maintenant pour l'industrie pétrolière ou gazière. Avec le retour des Libéraux, je  suis loin d'être rassuré pour l'avenir… " conclut-il.