
Félix Tremblay
Passant d’une des municipalités au Québec en utilisant le plus à une de celle l’ayant pratiquement banni, la Ville de Saint-Hyacinthe a fait un choix écologique en se débarrassant du sel de déglaçage au profit de la pierre fracturée pour épandre sur ses rues cet hiver. Si les automobilistes et piétons ont eu à adapter leur conduite, voyons un peu ce que l’environnement a pu tirer de bon de cette mesure.
Une fois la neige fondue, les eaux salées peuvent rejoindre la végétation, ruisseler ou pénétrer les sols, puis atteindre la nappe phréatique et les cours d’eau. À chacun de ces endroits, la haute salinité ainsi que la grande concentration d’ions chlorure, sodium et calcium (principalement) peuvent avoir un impact négatif et présenter un danger pour la faune, la flore ou le milieu aquatique, sans oublier les sols.
Ainsi, la neige salée soufflée sur les terrains entre en contact avec les bourgeons des arbres, des arbustes, des fleurs et des feuilles. Cela a pour effet de retarder leur développement au printemps, de limiter la croissance des plantes et potentiellement d’augmenter leur susceptibilité à certaines maladies. Dans certains cas, la quantité d’ions qui percolent à travers le sol est telle que cela peut le lessiver. Un sol lessivé est un sol dont la capacité à retenir les nutriments est diminuée et qui perd ceux-ci, alors emportés avec l’eau. Les ions des sels de déglaçage prennent la place des nutriments et les délogent littéralement, ce qui force ensuite l’emploi de fertilisants pour compenser. Les fertilisants artificiels sont à leur tour lessivés plus facilement que les nutriments naturels, le sol s’appauvrit, puis les fertilisants, eux, gagnent les cours d’eau et provoquent leur vieillissement accéléré.
Autre exemple d’effet néfaste des sels : les eaux trop salées peuvent aussi conduire à la mort des lacs. En effet, plusieurs espèces aquatiques ne tolèrent pas cette salinité, ce qui augmente la mortalité et déstabilise les réseaux alimentaires. De plus, comme l’eau salée est plus dense, elle coule au fond du lac, ce qui empêche le brassage normal des eaux. Cela limite donc les quantités d’oxygène dans l’eau, provoquant encore plus de morts et de dépôts. À la longue, les lacs se remplissent de sédiments et se vident de vie alors que certaines espèces envahissantes, comme la myriophylle à épis qui tolère bien cette salinité, peuvent proliférer encore plus. Voilà qui est fâchant!
Si quelqu’un se demandait encore quelles sont les raisons pour la municipalité de se priver d’épandre du sel au profit de vulgaire abrasif, ajoutons que les quantités astronomiques de la variété abordable de sel (inefficace sous les -10° Celsius) qu’il fallait mettre sur nos routes coûtaient tout de même une petite fortune avoisinant 250 000 $ chaque hiver. N’oublions pas non plus que les sels engendrent des coûts de traitement des eaux puis accélèrent l’usure des infrastructures victimes de la corrosion. Comme quoi une initiative environnementale peut aussi très bien être économiquement intéressante.
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