Société

Comment passer de l’insécurité à la sécurité alimentaire ?

Geneviève Chénier, agente de planification à la Direction de santé publique (DSP) de la Montérégie, et Bruno Dioma, organisateur communautaire au Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Montérégie-Est.

Suite à un Toast populaire du SPR-Y sur la sécurité alimentaire, Mobiles s’est entretenu avec les deux conférenciers invités afin de mieux comprendre l’ampleur du problème ainsi que ses pistes de solution. Voici ce qu’ont partagé avec nous Geneviève Chénier, agente de planification à la Direction de santé publique (DSP) de la Montérégie, et Bruno Dioma, organisateur communautaire au Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Montérégie-Est.

Malheureusement, manger trois repas par jour, 365 jours par année, est loin d’être le pain quotidien de tous. En effet, l’insécurité alimentaire frappe à la porte (du frigo) d’un bon nombre de Québécois, dont des citoyens maskoutains. Même que, selon les données de la DSP Montérégie, environ 4100 personnes de 12 ans et plus auraient connu de l’insécurité alimentaire dans la MRC des Maskoutains, en 2018. Un chiffre effarant, surtout quand on sait que l’insécurité alimentaire est l’impossibilité physique et socioéconomique de se procurer une nourriture saine et nutritive, permettant de satisfaire ses besoins alimentaires quotidiens et de mener une vie active.

Un problème collectif

Geneviève Chénier explique que l’insécurité alimentaire est un enjeu collectif puisqu’il touche à de nombreux déterminants sociaux, dont l’emploi, le revenu et le logement, alors que la saine alimentation est un choix individuel. « Les gens souffrant de la faim utilisent généralement leur salaire pour payer leur loyer. La lutte contre l’insécurité alimentaire passe donc forcément par la sécurité financière et par l’accessibilité à des logements sociaux. »

Geneviève Chénier, agente de planification à la Direction de santé publique (DSP) de la Montérégie, et Bruno Dioma, organisateur communautaire au Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Montérégie-Est.

La spécialiste souligne que « la fin de la faim » passera également, outre que par l’emploi, le revenu et le logement, par l’amélioration de l’ensemble du système alimentaire, tant au niveau de la production, de la qualité et de la distribution que de la vente des aliments. « Le gaspillage alimentaire dans les épiceries prouve que le système actuel est défaillant. Tout comme le prouvent les déserts alimentaires, c’est-à-dire ces quartiers dépourvus de commerces vendant des aliments frais. »

Qui plus est, l’insécurité alimentaire a un coût. C’est, du moins, ce que démontre une étude du Canadian Medical Association Journal, qui a évalué les coûts moyens de soins de santé associés à l’insécurité alimentaire en Ontario. Résultat ? Pour les adultes ontariens vivant en situation d’insécurité alimentaire, le montant s’élève à environ 4000 $, soit plus du double que celui des adultes vivant en situation de sécurité alimentaire (1600 $) ! Et comme l’affirme Geneviève Chénier : « Il est possible d’extrapoler ces résultats à la réalité québécoise puisque l’Ontario et le Québec ont des profils socioéconomiques similaires. »

Des solutions diversifiées

Certes, quand on parle d’insécurité alimentaire, on pense généralement à la solution suivante : les banques alimentaires. Toutefois, comme l’explique Bruno Dioma, bien que celles-ci soient fort utiles, elles n’offrent qu’un soutien temporaire répondant à des besoins immédiats. Autrement dit, elles ne s’attaquent pas à la source du problème. Les paniers de Noël et le Club des petits déjeuners en sont d’autres exemples. C’est pourquoi l’expert souligne l’importance d’ajouter à ces mesures curatives des mesures préventives qui permettront aux individus et aux communautés de gagner en autonomie alimentaire. Parmi les initiatives les plus notoires se trouvent les cuisines collectives, les épiceries communautaires, les marchés mobiles, les frigos libre-service et l’agriculture urbaine.

Cela dit, même s’il faut encourager la mobilisation communautaire, les élus municipaux et provinciaux doivent aussi se mettre de la partie. En effet, Bruno Dioma rappelle que ce sont eux qui ont le pouvoir d’implanter des politiques assurant un revenu viable, tout comme de construire des logements à prix modiques et des épiceries dans des lieux stratégiques. « En plus des élus gouvernementaux, tous les acteurs de la chaîne alimentaire doivent s’impliquer : agriculteurs, distributeurs, épiciers… Chacun a un rôle à jouer, notamment en facilitant l’accès physique et économique des produits alimentaires ainsi qu’en évitant les pertes. »

Autre solution ? « La création d’un carrefour d’entraide où plusieurs ressources se rencontrent, répond-il. Les gens qui souffrent de la faim ont généralement d’autres besoins, tels que la recherche de logement et d’emploi. Regrouper tous ces services sous un même toit leur permettrait de ne pas courir plusieurs organismes à la fois, tout comme de réduire leur honte de fréquenter des banques alimentaires. Ce n’est pas pour rien que 75 à 80 % des personnes souffrant de la faim ne fréquentent pas ces dernières… »

Ainsi, le message est clair : pour que notre société passe de l’insécurité à la sécurité alimentaire, il faut que tous, c’est-à-dire citoyens, communautés, gouvernements, producteurs, industriels et marchands, mettent la main à la pâte.