Société

Distanciation sociale : des conséquences psychologiques à l’horizon

Stress, fatigue, humeur dépressive, mais aussi résilience et créativité… Voilà quelques-unes des conséquences psychologiques possibles de la distanciation sociale, selon la Dre Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec, et la Dre Isabelle Demers, psychologue au CISSS des Îles.

Ce n’est pas une option : depuis mars 2020, les Maskoutains et l’ensemble des Canadiens doivent respecter les mesures de distanciation sociale (ou physique). Que ce soit en restant à la maison, en télétravaillant ou en gardant deux mètres de distance avec tout un chacun, cet effort collectif a pour but de ralentir la propagation de la COVID-19. Cette maladie très contagieuse a déjà tué plus de 250 000 personnes dans le monde, dont près de 2400 au Québec. Et les chiffres ne cessent d’augmenter… Bien que la distanciation sociale soit bénéfique pour la santé physique de tous, qu’en est-il de ses conséquences sur la santé mentale ?

Trois variables, de multiples conséquences

Selon la Dre Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec, les conséquences psychologiques de la distanciation physique dépendent de trois variables : l’individu, le contexte de confinement et les événements vécus lors de ce dernier. « Par exemple, si on vit la distanciation sociale comme un risque pour sa survie, on augmente la probabilité de développer de l’anxiété, voire du désespoir », affirme la spécialiste. Une probabilité qui diminue si la situation est plutôt vécue comme une épreuve collective durant laquelle on découvre en soi de nouvelles forces et capacités.

Ensuite, il y a le contexte : « Vit-on seul ou en famille ?, demande-t-elle. Si on vit seul, arrive-t-on ou non à garder contact avec des gens, notamment grâce aux divers moyens technologiques ? Et si on vit en famille, l’ambiance familiale est-elle tendue ou harmonieuse ? » Ainsi, pour certains, la distanciation physique sera synonyme d’isolement ou de tension, tandis que pour d’autres, elle sera synonyme de rapprochement familial.

Finalement, d’après la Dre Grou, il faut tenir compte des événements vécus. « Une personne qui, en raison des mesures d’hygiène, ne peut dire adieu à un parent mort de la COVID-19 vivra la distanciation sociale beaucoup plus difficilement qu’une personne qui profite du confinement pour libérer sa créativité. »

Du moins, selon elle, une crainte va rester, « car il est difficile de désapprendre une peur, surtout quand l’événement est important en gravité et en durée. Également, plus on prolongera les mesures de distanciation physique, plus les risques de souffrir de fatigue, d’ennui, de découragement et de frustration augmenteront ».

Des facteurs de risque et de protection

La Dre Isabelle Demers, psychologue au CISSS des Îles, explique les conséquences psychologiques possibles de la distanciation sociale ainsi : « C’est comme si, du jour au lendemain, on avait demandé au monde entier de courir un marathon. Un marathon qui, au fil du temps, se transforme en ultramarathon! Conséquences ? Les gens entraînés, c’est-à-dire ceux étant plus optimistes, créatifs et en bonne santé, s’adaptent mieux à la situation, tandis que les personnes vulnérables, comme celles qui sont plus pessimistes, anxieuses et déjà malades, s’essoufflent, voire abandonnent la course, plusieurs développant même des symptômes dépressifs et une certaine méfiance des autres. »

Ainsi, la distanciation physique affecte chaque personne de manière différente selon son tempérament, son état de santé, mais aussi son âge. En effet, d’après la Dre Demers, les adolescents sont plus susceptibles d’en souffrir, puisque de voir leurs amis leur importe énormément. « Les aînés sont également plus fragilisés par la situation, car plusieurs ont déjà des contacts limités et sont malhabiles avec les moyens technologiques de communication. »

Cela dit, que l’on soit adroit ou non avec la technologie, celle-ci comporte des limites. « L’être humain a besoin de contacts physiques, souligne la Dre Demers, et ce besoin concerne tous les sens. Bien que la technologie comble la vue et l’audition, qu’en est-il de l’odorat et du toucher, tout comme de l’énergie qui circule entre les gens ? Avec le temps, il est normal qu’un manque se fasse ressentir et qu’il affecte l’humeur de manière négative. »

Heureusement, la distanciation sociale n’aurait pas que des effets néfastes. « Cela peut notamment permettre de faire du ménage dans ses relations, note la psychologue. De plus, j’ai confiance en la capacité d’adaptation des gens. À mon avis, la plupart sauront faire preuve de résilience. »