Société
L’événement « À livres ouverts »

« Je ne suis pas qu’un diagnostic »

Des « livres vivants » à la bibliothèque T.-A.-St-Germain. Photo : Natacha Laplante

Il s’est passé quelque-chose de vraiment particulier au début du mois dernier à la bibliothèque T.-A.-St-Germain. Durant deux jours, les gens ont pu consulter des livres en chair et en os qui ont livré avec courage des chapitres de leur vie. MOBILES a rencontré deux de ces « livres vivants » ayant une problématique en santé mentale : Alain et Fabrice.

« Je ne suis pas qu’un diagnostic, lance Alain, je suis une personne qui a vécu toutes sortes d’expériences dans la vie, personnelles et professionnelles, et la plupart ont été positives. »

L’homme de 62 ans vit avec un trouble de personnalité limite (borderline) qui est aujourd’hui contrôlé. «  J’ai d’abord appris à lutter contre l’auto-stigmatisation parce que j’avais tendance à me culpabiliser. On sait maintenant qu’il y a beaucoup de personnalités publiques qui ont dû composer avec un problème de santé mentale. Plusieurs vedettes n’ont pas eu peur de l’affirmer publiquement. Les mentalités changent ».

Aujourd’hui, Alain fait partie de divers comités reliés ou non à la santé mentale qui visent l’amélioration de la qualité de vie des Maskoutains. Il a aimé son expérience à l’événement « À livres ouverts » auquel il a participé durant les deux jours.

Des « livres vivants » à la bibliothèque T.-A.-St-Germain. Photo : Natacha Laplante

Fabrice, quant à lui, n’y est allé qu’une seule journée. « C’était plus difficile pour moi parce que j’ai maintenant un nouvel emploi, mais je tenais à y être », dit-il. Il a voulu d’ailleurs que je n’utilise pas son vrai prénom puisqu’il a déjà vécu le rejet lorsque ses anciens collègues de travail ont appris qu’il avait cette maladie.

« Je dois vivre avec la schizophrénie et plusieurs personnes ont peur de ce mot à cause des histoires d’horreur qu’on entend dans les médias. Il faut savoir que ce n’est qu’une petite minorité de schizophrènes qui peuvent être violents. Mais ce sont eux qui font la manchette » explique-t-il.

Il a vécu ses premières thérapies en milieu institutionnel dans une autre ville que Saint-Hyacinthe. Une expérience dont il garde de mauvais souvenirs. « J’avais l’impression qu’on me mettait en prison, qu’on me privait de ma liberté ».

C’est sa mère qui a découvert une nouvelle ressource mieux adaptée à la situation de son fils. Elle l’a trouvée en cherchant sur internet : La Maison alternative de développement humain, mieux connue sous le sigle MADH.

Maintenir les acquis

Alain et Fabrice ont fait un séjour de quelques semaines à cet endroit : un organisme communautaire autonome qui a pignon sur rue à Saint-Hyacinthe depuis plus de 35 ans.

Ils ont bénéficié d’un plan de séjour personnalisé qui répondait à leurs besoins spécifiques. Ils ont suivi un agenda au cours duquel des activités visent une réinsertion sociale progressive. L’objectif premier est là : réintégrer la société de la manière la plus harmonieuse possible. Mais ce n’est pas toujours de tout repos.

Le premier obstacle sera peut-être de se dénicher un appartement ou un logement abordable et MADH les soutient dans cette démarche. La transition peut s’avérer ardue et encore là, l’organisme assure un suivi.

« Ce qui est particulièrement difficile, au début, c’est la solitude, le sentiment d’isolement », témoigne Alain qui est passé par là. L’intervenante en suivi post-hébergement et prévention à l’itinérance, Natacha Laplante, précise : «  L’important c’est que les ex-résidents maintiennent les comportements positifs qu’ils ont acquis avec nous ».

Pour ce faire, on assure un suivi téléphonique et on a mis sur pied l’atelier « Et après… » où les participants reçoivent une variété d’informations pertinentes à la vie autonome. Il y a aussi, à chaque semaine, une activité de type « 5 à 7 » au cours de laquelle les ex-résidents peuvent échanger sur leurs expériences et, parfois, se donner des trucs.

Un combat récurrent

En tant qu’organisme communautaire autonome, MADH s’implique également dans certaines revendications, notamment pour la création de logements sociaux abordables. Évidemment, comme la majorité des organismes communautaires, le combat pour un meilleur financement est récurrent, de même que pour l’amélioration des conditions de travail.

En passant, MADH tiendra son assemblée générale annuelle le 14 juin prochain. La population maskoutaine est invitée. Comme pour Alain et Fabrice, les livres de l’organisme sont ouverts…