Société

La bouffe pour se rappeler son pays d’origine

L’épicerie Tienda la Fé est surtout orientée vers la communauté latine. Son propriétaire Carlos Chacon. Photo : Roger Lafrance

On voit de plus en plus d’épiceries ethniques à Saint-Hyacinthe. Un rapide survol permet d’en repérer au moins cinq, sans compter les restaurants. En plus de diversifier l’offre commerciale, ces épiceries répondent à des besoins importants chez les personnes immigrantes qui s’installent parmi nous.

Nous avons visité deux de ces épiceries: L’Afrique en marche, sur l’avenue Sainte-Anne, et Tienda La Fé, sur l’avenue Brodeur près Des Cascades. Leurs propriétaires ont lancé leur commerce pour la même raison : celle de retrouver la nourriture de leur pays d’origine.

« Quand on émigre dans un autre pays, on laisse beaucoup de choses derrière soi, rappelle Osse Kwate de L’Afrique en marche. Chaque fois qu’on mange un aliment provenant de notre pays, vous ne pouvez pas savoir la joie que ça nous procure. »

Biochimiste de formation, ce Camerounais d’origine a ouvert son épicerie en 2014 pour permettre aux immigrants de s’approvisionner localement. L’Afrique en marche ne dessert pas seulement les Africains qui se sont installés chez nous, mais les gens de toutes origines : Amérique latine, Jamaïque et Haïti notamment.

C’est aussi ce qui a conduit Carlos Chacon, Salvadorien, à ouvrir l’épicerie Tienda la Fé en 2005. Cet agronome de formation, qui a travaillé sur des fermes porcines de la région, s’ennuyait de la nourriture épicée de son pays.

Dans leur épicerie, les rayons sont chargés de produits provenant de divers pays. Peu de fruits et légumes, mais beaucoup de produits en conserve, de la viande et du poisson surgelés, des légumineuses, des produits d’entretien et des produits de beauté incluant les rallonges de cheveux.

«Aujourd’hui, les grands supermarchés vendent un peu de produits ethniques, mais ils ne tiennent pas des produits spécialisés comme nous, nous pouvons le faire,» confie Carlos Chacon.

Aux produits d’épicerie, s’ajoute un autre service fort prisé des communautés culturelles : le transfert d’argent vers leur pays d’origine.

« Nous avons cette culture d’aider ceux qui sont moins bien nantis que nous et que nous avons laissés derrière nous », confie Osse Kwate.

« Quand on émigre dans un autre pays, on laisse beaucoup de choses derrière soi. Chaque fois qu’on mange un aliment provenant de notre pays, vous ne pouvez pas savoir la joie que ça nous procure », confie Osse Kwate. Photo : Roger Lafrance

Les institutions bancaires canadiennes ont souvent des difficultés à desservir les personnes immigrantes. Il y a la question de la langue, mais aussi les délais occasionnés par les procédures et les coûts beaucoup plus élevés. C’est pourquoi les nouveaux arrivants font affaire avec ces commerces avec qui ils ont déjà établi un lien de confiance.

Un point d’ancrage pour les nouveaux arrivants

Ces commerces ne comblent pas que les besoins alimentaires. Ils sont souvent un point d’ancrage pour les nouveaux arrivants.

« Notre apport est plus important que la nourriture, souligne M. Kwate. Nous sommes un lieu de rencontre pour les nouveaux venus qui ne connaissent personne dans le milieu. Je connais des gens de toutes les communautés à Saint-Hyacinthe. Je me fais toujours un devoir de les référer vers des gens de leur communauté pour les aider à s’installer. »

Même chose du côté de Carlos Chacon qui remet souvent sa carte d’affaires aux nouveaux venus.

« Comme l’espagnol est la langue commune de beaucoup de communautés latines, je leur dis qu’ils peuvent m’appeler quand ils ont un rendez-vous et qu’ils ont des difficultés à cause de la langue. Je peux alors leur donner un coup de main en leur servant d’interprète. »