Société
Éditorial

L’amour comme acte de résistance

Le 8 mars dernier avait lieu la Journée internationale des droits des femmes, sous le thème Résistances féministes. Les raisons actuelles de résister, de poursuivre les luttes féministes sont nombreuses : sexisme, racisme, âgisme, urgence climatique, privatisation, appauvrissement, amplification des inégalités sociales et certains droits des femmes menacés. Aujourd’hui, ce qui retient mon attention, ce sont les violences faites aux femmes.

Au Québec, en 2022, il y a eu 14 féminicides et 26 en 2021. Quelque 75,8 % des victimes de violence conjugale sont des femmes et 76,6 % des auteurs de ces violences sont des hommes. Depuis la pandémie, au centre de femmes l’Autonomie en soiE, c’est chaque jour que le sujet de la violence est abordé. Les confidences arrivent doucement, à mots couverts, emballées de peur, de culpabilité et de honte. Je me souviens d’une fois où j’ai constaté l’ampleur de l’étendue des violences faites aux femmes. Nous étions en exploration artistique pour trouver une injustice partagée par toutes, malgré nos différences. À travers nos bouts de créations, nos échanges et nos discussions, un constat est né. Toutes les femmes présentes dans l’atelier avaient vécu une forme de violence. Nous étions 12. Du harcèlement « ordinaire » (la tape sur une fesse dans un bar, se faire suivre dans la rue) aux agressions sexuelles, en passant par la violence obstétricale, de l’inceste à la violence conjugale, chaque histoire était unique. Mais nous partagions toutes un point commun : celui d’avoir été agressées par un homme, du simple fait d’être femmes. 

L’ampleur des violences faites aux femmes dans notre société m’inquiète parce qu’à mon sens, elle témoigne d’inégalités persistantes entre les hommes et les femmes. La violence suppose un contrôle, une prise de pouvoir sur une autre personne qu’on perçoit plus vulnérable ou inférieure. Donc, malgré tous les gains féministes des dernières décennies, il semble y avoir des croyances sexistes tenaces. Sont-elles véhiculées dans les images publiques de corps féminins ultrasexualisés? Perpétuées au travers d’histoires d’amour à l’eau de rose, comme celle de La belle et la bête? Ou bien ce sont les traces d’un passé judéo-chrétien prônant l’obéissance des femmes à leur mari? Je ne sais pas. Mais je constate qu’il existe encore une socialisation polarisée, où l’homme est habité par une force inébranlable et la femme, par une douce empathie. Ces rôles sociaux bien ancrés constituent un terreau fertile pour maintenir des situations de violence.

Comment changer les choses? Le Collectif national du 8 mars propose l’amour comme acte de résistance. Ses membres appellent à la sororité. De faire front commun malgré nos réalités diverses. Assurément, la solidarité féminine est nécessaire pour défendre nos droits. Ne plus être seules, c’est puissant! Puis, de l’amour, il en faut une bonne dose pour se sortir d’une situation de violence, pour se choisir, se prioriser et guérir. Collectivement, il faudra s’aimer assez pour continuer de mettre en place des contextes favorisant la dénonciation de la violence, dans la dignité. Nous aurons aussi besoin de courage pour condamner les agresseurs à des peines correspondant aux torts qu’ils ont commis. Enfin, l’ouverture nous permettra certainement une éducation priorisant une réelle égalité.

Alors, aimons, résistons!

Mandoline Blier, co-coordonnatrice,

Centre des Femmes L’Autonomie en SoiE (CFAES) de Saint-Hyacinthe