Catherine Courchesne
Une relance féministe post-COVID, voilà ce que réclament les centres de femmes du Québec
Pertes d’emploi, crise du logement, violence conjugale… Ce ne sont là que quelques-uns des enjeux qui affectent les femmes et que la pandémie exacerbe, des enjeux dont a parlé Mandoline Blier, co-coordonnatrice du Centre de femmes L’Autonomie en soiE (CFAES) de Saint-Hyacinthe, lors d’une conférence sur la relance féministe post-COVID-19. Organisé par Solidarité populaire Richelieu-Yamaska (SPR-Y), l’événement a eu lieu de manière virtuelle le 10 mars dernier, soulignant, par le fait même, la Journée internationale des droits des femmes qui avait, pour thématique, Écoutons les femmes.
« Écoutons les femmes, car elles ont beaucoup à dire, a affirmé, d’entrée de jeu, Mandoline Blier qui, avec le CFAES, fait partie de L’R des centres de femmes du Québec, un regroupement de plus de 80 centres de femmes. Ensemble, nous avons écrit une Déclaration commune [des centres de femmes] pour une relance féministe. En parlant d’une seule et même voix, nous espérons que le gouvernement prête l’oreille à nos revendications. »
Les revendications de L’R sont nombreuses et découlent des conséquences de la COVID-19 sur la société. « La pandémie affecte tout le monde et, particulièrement, les femmes », a souligné Mandoline Blier. D’où la nécessité, selon elle, de relancer l’économie en investissant dans les infrastructures publiques qui auront un impact durable sur la vie des femmes, telles que faciliter l’accès à Internet, aux soins de santé, aux services de garde, aux logements abordables et à la sécurité d’emploi ainsi que lutter contre la violence conjugale, les inconduites sexuelles, le racisme et les changements climatiques. « Nous réclamons, par exemple, que le gouvernement reconnaisse pleinement la valeur du travail des femmes, notamment, de celles qui sont en plein cœur de la pandémie et que la société étiquette. Ce ne sont pas des “anges”, comme l’a déclaré le premier ministre François Legault, mais des employées compétentes qui méritent des salaires décents. »
Des inégalités au travail
C’est un fait : les femmes, principalement les femmes immigrantes, occupent des emplois où le danger de contracter la COVID-19 est accru. Elles sont enseignantes, éducatrices, préposées aux bénéficiaires, aides-soignantes, caissières dans les commerces essentiels et nettoyeuses… Qui plus est, ce sont souvent des emplois mal rémunérés pour les compétences requises, les conditions de travail ou les tâches demandées.
La pandémie a aussi fait perdre plus d’emplois chez les femmes puisqu’elles sont nombreuses à travailler dans des secteurs malmenés par les fermetures, dont la restauration, l’hôtellerie et le commerce de détail. Par exemple, selon Statistique Canada, 33 500 hommes de 25-54 ans ont perdu leur emploi, en janvier 2021, contre 73 000 chez les femmes de la même tranche d’âge.
Également, les femmes ont généralement un plus faible revenu que les hommes. « En 2018, les employées âgées de 25 à 54 ans gagnaient en moyenne 4,13 $ […] de moins l’heure que leurs homologues de sexe masculin. » En temps de pandémie, de nombreuses femmes en couple hétérosexuel ont donc décidé de quitter leur emploi moins bien rémunéré pour prendre soin de leurs enfants, ceux-ci étant parfois mis en isolement ou faisant l’école à la maison. « Et parmi celles qui n’ont pas quitté leur emploi, plusieurs ont dû assumer une “triple tâche”, soit leur travail, l’enseignement à domicile et les tâches ménagères, augmentant ainsi leur charge mentale et le risque de souffrir d’épuisement », a noté Mandoline Blier.
Une crise du logement au féminin
Avoir un faible revenu vient souvent avec la difficulté de trouver un logement convenable et à prix modique. En raison de la pénurie de logements actuelle et de la hausse faramineuse des loyers, de nombreuses femmes célibataires, monoparentales ou retraitées peinent à se loger. Alexandra Gibeault est bien placée pour le savoir, elle qui coordonne le Comité Logemen’mêle de Saint-Hyacinthe, un organisme défendant les droits des locataires. « En 2020, les deux tiers des demandes d’aide sont provenus de femmes, que ce soit pour un problème de salubrité, de harcèlement de la part du propriétaire, de réparation ou d’augmentation abusive du loyer », a-t-elle expliqué lors d’un entretien téléphonique.
Une hausse de la violence conjugale
Selon Mandoline Blier, « la difficulté à trouver un logement pour soi et ses enfants est une raison suffisante pour rester dans une relation toxique empreinte de violence ». Ce n’est pas un hasard si les demandes d’hébergement ont explosé depuis un an à La Clé sur la Porte, une maison d’aide et d’hébergement maskoutaine pour les femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants. Jointe par téléphone, la coordonnatrice de l’organisme, Valérie Grégoire, a confirmé la tendance. « En raison de la crise du logement et de la COVID-19, nous avons reçu deux fois plus de demandes d’hébergement en 2020 comparativement à 2019. »
La hausse des féminicides des derniers mois montre également l’urgence d’une relance féministe post-COVID-19, car sur le terrain, Valérie Grégoire a remarqué un phénomène. « Alors que certaines femmes voient la vague de féminicides comme la motivation ultime pour quitter leur conjoint violent, d’autres y perçoivent ce qui les attend si elles osaient partir… »
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