Paul-Henri Frenière
Le legs de Paul Laplante
J’ai bien connu deux sœurs de Paul Laplante, ce triste individu qui a vraisemblablement tué sa femme Diane Grégoire. Quand il a été arrêté pour le meurtre, j’ai pensé communiquer avec elles, réflexe journalistique. Mais je ne l’ai pas fait. Peut-être par respect pour une partie de leur vie privée que je savais particulièrement douloureuse.
La plus jeune des deux sœurs, dont je tairai le prénom puisqu’elle ne s’est pas exprimée publiquement, m’avait un peu parlé de son frère Paul lorsque nous travaillions ensemble aux archives du séminaire de Saint-Hyacinthe à la fin des années 70.
J’ai souvenir que le portrait qu’elle me faisait de lui était peu reluisant. Elle ne m’en a pas parlé beaucoup, comme si c’était un sujet tabou qu’il ne fallait pas aborder. Mais je sentais que ce n’était pas l’harmonie qui régnait dans la famille.
J’ai eu moins de conversations avec Claire, celle qui s’est exprimée dans les médias la semaine dernière. Dans le portrait qu’elle a fait de son frère, j’ai reconnu le Paul Laplante que j’avais imaginé à partir des bribes d’information entendues ici et là. Un être méprisable dont on voulait s’éloigner le plus possible : chose qu’elles ont faite toutes les deux.
Lorsque j’ai vu la photo de Claire dans les médias, je me suis rappelé une pièce de théâtre dans laquelle elle jouait au cégep de Saint-Hyacinthe à la fin des années 70. C’était Lysistrata : une pièce grecque d’Aristophane (411 avant J.-C.) dans laquelle Lysistrata, une belle Athénienne, convainc les femmes des cités grecques de faire « la grève de l’amour » jusqu’à ce que tous leurs maris renoncent à faire la guerre.
Elle jouait une déesse, si je me souviens bien, probablement la déesse de l’Amour.
Elle descendait un escalier, complètement nue, sauf un maquillage blanc qui recouvrait entièrement son corps. Je me souviens de la dignité, de l’assurance avec laquelle elle effectuait ses mouvements, comme une affirmation de la femme face aux hommes qui salivaient au parterre.
Belle, grande, majestueuse, sa prestance et son corps étaient parfaits. Sauf, sauf une cicatrice qu’elle avait à la jambe. J’ai appris, dans l’une de ses entrevues qu’elle a livrées la semaine dernière, que c’est son frère Paul qui lui avait infligé cette blessure lorsqu’elle était petite, sauvagement, sans raison.
Il y a des gens, lorsqu’ils meurent, qui laissent comme legs des traces positives de leur passage sur cette terre. Des souvenirs heureux, des gestes d’amour et plus prosaïquement, certains laissent un héritage à leur famille et à leur descendance.
Paul Laplante, comme d’autres qui ont incarné le mal sur cette terre, laisse plutôt le contraire : des cicatrices au cœur, à l’âme, et même à la jambe…
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