Paul-Henri Frenière
Adieu ma clope
Chère Clope,
Déjà plus d'un mois que je t'ai quittée. La rupture a été brusque et l'on ne s'est pas revu depuis. Je me suis dit que je te devais, au moins, une petite lettre d'explications.
Je t'ai connue, j'avais 13 ans. Un ami nous avait présentés. Nous nous sommes apprivoisés lentement. Mais assez tôt, j'ai compris que nous étions faits l'un pour l'autre.
Avec toi, j'avais le sentiment d'être enfin devenu un homme. J'étais fier de me promener en ta compagnie et de te montrer à mes compagnons de classe dans la cour d'école.
Plus le temps passait et plus je m'attachais à toi. Devenu adulte, je te prenais dix fois, vingt fois et même cinquante fois par jour. J'aimais ta chaleur envoûtante et quand je te respirais, ton petit bout rougissait. Ton corps de braise m'allumait.
Dans les moments de joie, de peine ou de stress, je me tournais invariablement vers toi. Et tu m’accueillais. Toujours compréhensive, tu ne t'es jamais refusée à moi. Je t'avais de plus en plus dans la peau, dans le cœur et dans les veines.
Je ne pouvais plus me passer de toi. Un jour, j'ai affronté une tempête de neige pour te retrouver. Une autre fois, j'ai marché longtemps, malgré un orage violent, parce que tu me manquais. J'ai alors compris que ma passion pour toi était devenue une addiction.
Et c'est là que j'ai commencé à voir tes défauts plutôt que tes qualités. Premièrement, tu me coûtais cher, très cher. Et disons les choses comme elles sont : tu n'étais pas propre propre. Tu laissais toujours des cochonneries derrière toi. Et ton odeur aussi. Parlons-en de ton odeur.
Tu dégageais tellement que plus aucun restaurant ne t'acceptait. Ni aucun lieu public fermé d'ailleurs. Parfois, sur la rue, des gens me regardaient de travers parce que nous étions ensemble. J'avais presque honte de toi. Enfin, d'être avec toi.
Et puis – je ne te l'ai jamais dit pour ne pas te vexer -, mais bien des gens me conseillaient de te quitter. Même des médecins m'ont affirmé que ta fréquentation nuisait à ma santé. Que notre relation était nocive et pouvait même être fatale.
Tu te souviens, j'ai essayé quelques fois de vivre sans toi. J'avoue que j'ai apprécié ces moments de liberté. Il me semble que je respirais mieux. Mais il venait toujours un temps où ton chant de sirène était plus fort que tout. Alors je revenais, penaud et soumis, à tes envoûtantes effluves.
Ma fidèle compagne, mon amie, ma maîtresse, nous avons partagé presque 50 ans de vie commune. J'ai traversé avec toi les principales étapes de l'existence. Je dois concéder que tu m'as soutenu durant tout ce parcours. Mais maintenant, c'est fini! Définitif! Je te quitte pour toujours.
Je sais, je sais, tu vas me demander si j'en ai rencontré une autre. Je t'avoue bien honnêtement que oui. Et, franchement, c'est grâce à elle si j'ai pris ma décision.
Comment elle est?
Elle est jeune, élégante et… électronique.
Adieu ma cigarette.
Re: Adieu ma clope
J’ai aimé votre texte. Ça fait 6 mois pour moi.
Re: Adieu ma clope
Ta vie vaut plus qu’une clope mon cher et nous voulons lire tes excellents articles encore longtemps 🙂
Re: Adieu ma clope
Bravo PH, lâches-pas !!!
Re: Adieu ma clope
Bienvenue dans la grande famille des d’éclopés ! Puisses-tu avoir aussi de bon moment avec ta nouvelle compagne que je te la souhaites entre deux temps !
Re: Adieu ma clope
Bel écrit ! Bravo PH ! Je suis très contente pour toi !