Chronique

623$ par mois, c’est trop!

« Avec cet argent-là, les maudits BS passent leur journée à boire de la bière et à fumer des cigarettes. Il y en a même qui font des voyages dans le Sud. »

Ce genre de propos extrêmes et trop largement répandus amène nos gouvernements successifs – qu’il soit péquiste ou libéral – à serrer la vis à ces prétendus abuseurs du système. Je ne sais pas si les animateurs de radio-poubelle influencent le jugement de nos politiciens qui passent la plupart de leur temps à Québec, mais cette tendance à s’en prendre aux plus maganés de la société est lourde et récurrente.

Un projet de loi en ce sens est présentement à l’étude et devrait aboutir le 24 novembre prochain. Avec son statut majoritaire, tout porte à croire que le gouvernement libéral va le faire adopter. Il a même menacé d’utiliser le bâillon face aux récriminations – quoique modérées – des partis d’opposition.

Avec cette loi, on prévoit imposer de lourdes pénalités aux assistés sociaux, jugés aptes au travail, qui refuseraient de se chercher activement un emploi. La prestation mensuelle passerait de 623$ à 399$. On veut punir ces méchants profiteurs : 623$ par mois, c’est trop!

C’est vrai qu’avec ce montant faramineux, il faut payer le loyer, la nourriture, les factures et le reste. Avec le petit « lousse », s’il y en a un, on va peut-être s’acheter un billet de loto en espérant gagner la cagnotte pour sortir de ce merdier.

Avec à peine 400$ par mois, aussi bien dire qu’on les jette à la rue, ou pire, qu’on les pousse à la criminalité ou même au suicide.

Selon les statistiques, seulement 3% des bénéficiaires auraient fait de fausses déclarations. Et encore là, il est fort possible que ces erreurs soient dues à une mauvaise compréhension. N’oublions pas qu’au Québec, on évalue que 53% de la population est analphabète fonctionnelle.

Le gouvernement veut « économiser » 50 millions$ avec ces mesures. D’un autre côté, Revenu Québec estime que l’évasion fiscale des riches fait perdre 3,5 milliards$ par année à l’État. C’est 3 500 millions$, soit 70 fois plus!

C’est un peu comme si un médecin devait soigner le cancer généralisé de son patient et qu’il s’attardait plutôt au bouton qu’il a sur le bout du nez.

Alors pourquoi s’acharne-t-on sur les personnes assistées sociales? La réponse est simple : c’est strictement à des fins électorales. C’est politiquement payant de montrer à l’électorat que l’on s’occupe de nos affaires, que l’on coince les fraudeurs du système.

D’autant plus que les « coupables » sont visibles. Il suffit de parcourir les quartiers pauvres des villes pour les identifier. Alors qu’une obscure compagnie à numéro, qui cache ses avoirs dans un paradis fiscal, n’a pas de visage.

La réalité c’est que nos sociétés sont devenues de plus en plus permissives pour les profiteurs à grande échelle et de moins en moins compatissantes pour les plus démunis. On s’acharne sur les uns alors qu’on ferme les yeux quand un milliardaire ne paie pas ses impôts durant des années. C’est légal. Mais il est là le problème.