Chronique

Ces trottoirs délaissés

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Je me souviens du temps où la majorité des trottoirs étaient déblayés durant l’hiver à Saint-Hyacinthe. Sur l’avenue Bernier, par exemple, où je demeurais quand j’étais jeune, les chenillettes passaient des deux côtés de la rue dès les premières bordées de neige. Les temps ont bien changé.

Au cours des années 80, je crois, on a privilégié qu’un seul côté, celui qui menait à l’arrière de l’église Sacré-Coeur aujourd’hui démolie, m’a-t-on expliqué, pour que les fidèles s’y rendent. De l’autre bord – où ma mère résidait -, la neige s’amoncelait devant sa porte d’entrée. J’avais écrit à la conseillère municipale du district pour me plaindre de la chose.

Avant, il fallait simplement déneiger le balcon et les marches pour accéder à la voie piétonnière. Dorénavant, on devait s’attaquer à un monticule glacé pour se rendre à la rue. Mission impossible pour une vieille dame.

À mon souvenir, la conseillère m’avait répondu quelque chose comme ceci : « Je comprends la situation difficile de votre mère, mais le conseil en a décidé ainsi pour des raisons d’économie… » C’est drôle comme l’économie a le dos large, parfois, lorsqu’il s’agit des services aux citoyens, surtout les plus vulnérables.

Même les services de base sont précaires, comme la possibilité de circuler à pied d’un endroit à un autre dans sa propre ville pour laquelle, d’ailleurs, on a payé des taxes toute sa vie. Je pense évidemment aux personnes âgées, aussi à celles dont la mobilité est réduite, qui se voient contraintes à circuler dans la rue – avec tous les risques que cela comporte – ou à rester carrément confinées chez elles.

Marcher dans la rue, après un épisode de verglas par exemple, peut être une aventure périlleuse, même pour les bien-portants. Les surfaces glacées, les voitures qui passent trop vite ou trop près sont autant de facteurs de risque qui peuvent mener à l’urgence ou pire, à un accident fatal.

Tout ça pour économiser quelques dollars que l’on dépensera pour d’autres postes plus « stratégiques ».

Des conseillers municipaux se sont plaints du déneigement des trottoirs dans leur secteur. Ce sont eux qui, les premiers, se font engueuler au téléphone par leur commettants. Mais dans les plus hautes sphères municipales, on fait la sourde oreille.

Pire, la Ville élabore un « plan directeur » qui réduirait encore davantage le nombre de trottoirs entretenus. Et encore pire, on détruirait carrément certains trottoirs existants.

En milieu rural, c’est autre chose. Souvent, on a sa propre machinerie pour déblayer sa cour et un véhicule pour se déplacer sans problème. Mais une ville présente une toute autre réalité. Ce n’est pas tout le monde qui a une automobile et les moyens de se payer un déneigeur.

Le trottoir n’est pas une voie piétonnière sans importance. Surtout l’hiver! Historiquement, il est lié au développement social, économique et culturel des villes. Il favorise la mobilité, principalement des personnes âgées ou handicapées.

À l’heure où l’on préconise l’activité physique et qu’on cherche des solutions pour contrer l’isolement, cette décision administrative s’avèrerait tout à fait rétrograde et inappropriée.