Chronique

Dick-tionnaire

Je le sais ben pas pourquoi je l’ai pas écrite avant, celle-là ! Ça fait pourtant un sacré bail que j’y songe… Ce n’est bien pourtant qu’aujourd’hui que je m’y mets.  Ma deuxième chronique officiellement féministe, et un peu fuck-off. Ou fuck-on ? Bref, lorsque je regarde et prête l’oreille à notre grammaire, à nos mots, ceux que l’on utilise à tous les jours, je me désole. Pas que je parle bien; Non. Ça ne me dérange pas tellement, ça. Ce qui me fait r’virer boutte pour boutte, par exemple, ce sont les mots féminins utilisés pour rendre le concept ou l’objet encore plus méprisable…

Le fait que lorsqu’on veut faire mal, on traite de vaches, de truies, parce que c’est encore pire que bœufs (quoique…) et cochons… Le fait que les mots au féminin sont toujours une coche plus écorchant, au final… Traiter une fille de salope, s’attaquer à ce qu’elle est au plan sexuel, pour cautionner quelque violence que ce soit alors que c’est nous qui la lui faisons subir… Traiter les filles de putes, les hommes, aussi, quand on veut vraiment les blesser. Traiter un petit garçon de fille, c’est l’insulter aussi, encore aujourd’hui… Comment voulez-vous qu’on puisse valoriser ce qui est d’ordre féminin dans tout ce merdier de mots ? Ce sont des mots que l’on entend tous les jours, que l’on n’entend plus, presque. Comme la violence sexuelle faite aux femmes et aux filles, qui nous fait tellement mal collectivement que nous la voyons ailleurs, mais pas dans nos maisons. Le fait que le mot féminicide n’existe pas encore dans nos dick-tionnaires, alors qu’on y retrouve pourtant le tout nouveau mot : plan-cul… Quel merdier.

Quelqu’un m’a déjà dit que la violence verbale faisait moins mal qu’une claque sur la gueule. Ok. Par contre, la violence verbale, lorsque contenue jusque dans les mots que nous entendons tous les jours au gré de nos conversations avec nos amis, nos familles, nos collègues, et qu’elle n’est pas reconnue, elle fait très mal aussi. Pas qu’à moi, pas qu’aux femmes. Aux hommes aussi, qui se voient occulter des possibilités d’attitudes au niveau social, comme celle d’avoir tout simplement le droit de pleurer…  Quand j’y pense, ça me déprime tellement. Combien d’hommes et de femmes souffrent encore et encore de nos attitudes collectives qui déprécient toujours plus ce qui est identifié comme étant de l’ordre du féminin…

Les mots qu’on utilise mettent les choses au monde, il ne faudrait pas l’oublier. Quand on ne peut pas parler de féminicide, on ne peut pas nommer en un mot le fait que la première cause de décès des femmes dans le monde entier est encore et toujours la violence. On ne peut pas en parler, parce que ce mot n’existe pas encore, pas dans nos dick-tionnaires, en tout cas.  Je crois que nous devrions nous pencher plus sur les mots que nous utilisons et colportons et sur leur incidence sur notre être ensembles, collectivement. Nous pourrions ainsi nous apercevoir qu’ils transportent des générations de préjugés et de mise en cage nous blessant toutes et tous. Il faudrait kicker le cul du patriarcat chez nous, dans nos maisons, dans nos bouches. Et dans les dick-tionnaires.