Chronique

La fête d’un Bhoutanais

Un soldat du Royal 22e Régiment s’effondre sous la chaleur.

 

Je me mets dans la peau d’un immigrant qui vient d’arriver au Québec. Un Bhoutanais, par exemple, paraît qu’il y en a plusieurs à Saint-Hyacinthe. C’est le 1er juillet et l’on m’apprend que c’est la fête du Canada, mon pays d’accueil. Dès le petit matin, je sors dehors pour aller fêter avec mes nouveaux concitoyens. Oh stupeur ! Les rues sont vides. Je vois seulement passer des camions chargés de boîtes, de meubles et d’électroménagers. Ça y est ! Les gens fuient leur pays. C’est bien ma chance, moi qui venais juste d’arriver.

Non, monsieur le Bhoutanais, ne vous inquiétez pas. C’est une vieille tradition, ici, au Québec. Le 1er juillet, on déménage, on change de logement, on se fait croire qu’il se passe quelque chose dans nos vies. Qu’il y a du changement.

Et la fête ?

Une fois que la dernière boîte est rentrée, on mange de la pizza et on boit de la bière.

Non, je veux dire, vous ne fêtez pas le Canada ?

Ah ça. Si vous voulez fêter le Canada, ça se passe à la télévision, entre midi et une heure.

Notre bon Bhoutanais s’installe devant la télé à midi pile. Des soldats, en habit rouge et avec un énorme casque poilu sur la tête, tirent du fusil. Ça commence bien. Ça, c’est une vraie fête !

Le gouverneur général – le digne représentant de sa majesté la reine d’Angleterre – prononce un discours : des grands bouttes en anglais, des tits bouttes en français.

L’orchestre joue le God Save the Queen en l’honneur de la vieille dame qui fête son Jubilé de diamant ou quelque chose du genre. Le Premier ministre, Stephen Harper, essuie discrètement une larme, une larme de joie…

Et là, le spectacle commence ! Chacun et chacune chantent leurs tounes les plus connues : des grands bouttes en anglais, des tits bouttes en français. On souligne la guerre de 1812 (! ?!?!). Eh qu’on devrait donc être fiers d’être Canadiens…

C’est du moins ce que se dit notre ami Bhoutanais qui éprouve cependant de la compassion – toute bouddhiste – pour ces pauvres soldats qui doivent porter ce gros casque de poils sous une chaleur caniculaire…

Un soldat du Royal 22e Régiment s’effondre sous la chaleur.

La fête à Léo

La Fête du Canada n’a jamais vraiment pogné à Saint-Hyacinthe, comme dans la plupart des villes du Québec d’ailleurs. Il y a bien eu, durant quelques années, des festivités sur le terrain des loisirs Christ-Roi, mais c’était l’affaire d’un seul homme : Léo Bibeau.

Fédéraliste convaincu (il a été président du comité local du NON au référendum de 1980), Léo Bibeau tenait mordicus à ce que Saint-Hyacinthe célèbre son appartenance au Canada.

Lorsqu’il est décédé, certains de ses émules ont tenté de poursuivre son œuvre, mais la tradition s’est essoufflée. Si bien que depuis plusieurs années, on ne se souhaite plus Happy Canada Day en sol maskoutain.

À l’exception de 2006, je crois, il y a eu un spectacle de type western au parc Casimir-Dessaulles. Le chapeau de cowboy et la danse en ligne convenaient particulièrement bien aux valeurs conservatrices de notre cher gouvernement.

On aurait pu croire que la nouvelle cohorte de fédéralistes qui a voté NPD au dernier scrutin reprenne le flambeau et fête un Canada à saveur orange. Mais sont-ils vraiment fédéralistes ? On a beau vouloir faire partie de la mouvance néodémocrate pancanadienne, mais de là à s’identifier au castor et à la police montée, il y a une marge…