Chronique

Le chien de mon amie et le bon Docteur Couillard.

Ça n’était pas ce que j’avais prévu écrire comme sujet de chronique. Je devais écrire à propos de ma Diva Cup, révolution au niveau des menstruations. Mais bon, comme ce sujet sera d’actualité pour moi tant et aussi longtemps que j’aurai une vie fertile, je me reprendrai bien un autre mois. Or donc, j’écris sur une histoire qui est arrivée à une amie,  collègue de travail, et qui concerne son chien.  En fin de semaine passée, son chien a fait une très mauvaise chute et s’est retrouvé blessé, incapable de marcher. Après quelques heures l’enflure a diminué et si le chien se portait mieux, il est quand même devenu évident que quelque chose n’allait pas du tout, il gardait une vilaine bosse et semblait toujours très souffrant.

Premier appel à ce moment-là, début de semaine, aux vétérinaires de la région, afin de trouver celui ou celle offrant les meilleurs tarifs. Suite à un appel à tous sur Facebook, une amie trouve l’endroit le moins chérant en ville… Et il n’est pas en ville, il est tout près de Taschereau. Une clinique sans rendez-vous. Sitôt dit, sitôt fait, ma collègue s’y rend avec son chien qui y est examiné, endormi pour prendre les radiographies et qui reçoit des antidouleurs. Le diagnostic tombe : luxation coro-fémorale. Aucune fracture… Malheureusement, le vétérinaire ne peut faire la manœuvre qui consiste à replacer la hanche à sa place.  Il donne les radiographies ainsi que les antidouleurs et les recommande à des cliniques médicales qui pourront faire l’intervention. Il les met en garde : les vétérinaires insisteront pour faire une opération chirurgicale au chien qui nécessitera ensuite de la physiothérapie. Le tout porterait la facture à des milliers de dollars.  De plus, l’opération n’est absolument pas recommandée étant donné que le chien a dix ans et souffre d’arthrite…

Retour à la maison, case départ… Appels logés ici et là chez différentes cliniques vétérinaires de la région.  À l’hôpital de médecine vétérinaire de la ville : on refuse de traiter le chien en lui faisant la manœuvre, sous prétexte que son taux de réussite n’est pas assez bon. On n’accepte pas non plus les radiographies prises par un autre vétérinaire que les leurs, sans compter l’ouverture de dossier qui coûte à lui seul près de 150 dollars. Ma collègue est découragée, son chien souffre.  Une autre collègue a alors une idée saugrenue : mais si ce dont le chien a besoin est une manœuvre de ramanchage, ne pourrait-on pas demander à un ramancheur d’humain de le faire ? Chacune munie de nos numéros de téléphones de professionnels d’humains, on se met à téléphoner à gauche et à droite… Pas évident. Ils nous répondent qu’ils ne traitent pas les animaux…

Un deuxième appel à tous est lancé sur Facebook : un peu bâtard comme technique, mais bon, ça a marché la première fois.  On demande si quelqu’un connaît un professionnel, ramancheur ou autre, qui est capable de remettre en place la hanche débarquée d’un chien… Quelques heures plus tard, message : oui, une autre amie connaît une personne qui l’a déjà fait, pas très loin de la ville. Téléphone à la personne en question, oui, dit-elle, elle a déjà ramanché des chevaux, donc peut bien ramancher un chien.  A de la place drette ce soir-là, à 19h00…

19h15 : tout est fait. Le chien a la hanche replacée, son dos a été vérifié, chaque orteil replacé…

Ça a coûté 40 piastres.

De retour à la maison, mon amie pleure de soulagement : son chien dort en boule (il n’en était plus capable depuis son accident) et elle l’entend enfin respirer profondément.  Il a l’air détendu…

C’est ainsi que la saga s’achève, sur un happy ending.

Il n’y a qu’une chose qui me chicotte encore. Qu’est-ce qui aurait empêché ces différents médecins vétérinaires de la faire, la maudite manœuvre sur le chien ? Surtout avec l’avis de leur confrère, radiographies à l’appui, qui démontrait que c’était un cas de ramanchage et non pas d’opération chirurgicale à tout prix ? Parce que le prix, là, était au mieux exorbitant, au pire impossible à couvrir. On parlait de milliers de dollars, avec l’opération et la physiothérapie… Pour un chien âgé de 10 ans, arthritique, dont l’espérance de vie restante est d’environ deux ans… Pourquoi ? Éthique professionnelle ou appât du gain exercé sur des maîtres qui donneraient tout pour leur animal de compagnie?  Tout, c’est relatif. Quand t’as pas d’argent tu te butes à cette réalité : ça coûte ce que ça coûte, tu payes, t’as le service. Tu payes pas, tu l’as pas. Et j’imagine que le ramanchage ne doit pas coûter assez cher pour qu’il vaille la peine d’être fait surtout qu'il y a ‘’ risque de rechute ou d'imperfections’’. Inacceptable, je suppose, avec cette logique de marketing. 

Je suis profondément découragée aujourd’hui par ce simple constat. Ces mêmes médecins auraient préféré abattre le chien , l’euthanasier,  plutôt que de lui donner une chance de marcher à nouveau normalement, même avec un léger handicap vu son âge et sa condition… C’est ben sûr que mort l’opération avait 100 pour 100 de chance de réussite, n’est-ce pas ?

M’enfin.

Et dites- vous ben une affaire, en terminant. Quand vous souhaitez avoir un système de santé plus « performant », et que le bon docteur Couillard qui nous sert de premier ministre nous assure que lui et ses lobbys nous l'offriront sous la forme d'un système de santé privé, ben ça va ressembler à ça taleur. Votre enfant à une jambe luxée ? Ah, non, pas question de la lui remettre en place. Il lui faut faire tout le traitement, étape par étape, pas question d’en sauter une… Oui, on vous sert du bon café frais, et une coupe de vin, et votre siège est merveilleusement confortable à la clinique privée.  Aucune attente. Combien ça coûte ? Ah, vous n’avez pas d’assurance privée… Mmh. Nous ne faisons pas d’estimation car nous ne pouvons pas savoir s’il y aura des complications, vous comprenez… Mais nous prenons une avance de 30 000 dollars. C’est ça. Non ? Vous allez attendre voir comment l’enfant se guérit par lui-même ? Mais quelle sorte de parent êtes-vous donc ?

C’est ça, un système de santé privé. C’est un système de santé inaccessible, où les pauvres crèveront – ou se feront euthanasier chez les vétérinaires, tiens – tandis que les mieux nantis auront les moyens de vivre très, très décemment… Et non, mauvaise nouvelle, vous ne faites partie de la deuxième catégorie. Nous sommes toutes et tous dans la première. Et nous tenterons, si vous le voulez bien, de renverser cet état des choses en ne laissant pas mutiler notre système de santé public.

Longue vie à nous ! Et bas les pattes au privé en santé.