Chronique

Merci à vous, femmes autochtones.

Les fondatrices du mouvement Idle No More ; Nina Wilson, Sylvia McAdam, Jessica Gordon et Sheelah McLean

Dur dur de traiter un sujet comme celui des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées. Comme celui des enfants autochtones arrachés de force à leurs parents pour être envoyé.e.s au pensionnat pour y voir mourir une partie d’eux-mêmes.

Les fondatrices du mouvement Idle No More ; Nina Wilson, Sylvia McAdam, Jessica Gordon et Sheelah McLeanPourtant, et contre toute attente, ce sont là les sujets qui semblent mobiliser le plus de personnes autour de moi depuis quelques temps. Il y a là une sérieuse réflexion à faire sur notre capacité à embrasser l’horreur, à l’accueillir et à se mettre en mouvement. Nous suivons cet élan d’Idle no more, qu'on peut traduire  par mort à l’apathie, initié par des femmes autochtones du Canada et du Québec. Celles-là même qui voient disparaître leurs sœurs et leurs filles, leurs mères. Ces femmes et ces filles, et les hommes aussi qui leur ont emboîté le pas arrivent à transcender l’horreur et la mort et à bouger. Malgré et avec le traumatisme, à sortir de l’état figé et à se mettre en mouvement, et à se réparer ainsi qu’à initier un mouvement de réparation collectif.



Je suis extrêmement touchée par ce grand mouvement prenant racine dans la mort et la vie, cette plongée vers l’innommable et sa remontée vers la conscience collective. Il y a là pour moi l’incarnation de la guérison, au point de vue individuel et collectif. De la réappropriation du pouvoir sur sa vie de femme, d’autochtone, de peuple colonisé et à toute fin pratique enterré sur ses terres. Une forme de renaissance sociale, où nous autres québécois.e.s réalisons de plus en plus que nous sommes uni.e.s et que si historiquement nous avons toujours fait partie du problème, nous pouvons désormais faire partie de la solution. Non en nous garrochant à la tête du mouvement, mais en l’appuyant, en écoutant, en supportant.

J’ai l’impression que nous sommes en train d’apprendre de ce grand mouvement d’Idle no more et de se laisser gagner par le cœur et le courage de celles et ceux qui le portent. En ces heures où grondent les alarmes d’austérité du gouvernement des médecins inc. du Québec, où on nous sermonne que nous devons endurer et pâtir sans dire mot, sans bouger, nous avons l’immense chance d’être témoin de personnes qui se tiennent, elles, debout. Devant le carnage programmé de l’environnement au profit du profit, devant les inégalités sociales patriarcales et leurs victimes, les femmes et les filles autochtones. Qui s’opposent ouvertement au gouvernement Harper, et qui exigent une enquête publique sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées. Qui dénoncent haut et fort la violence de ce  gouvernement Harper qui ose nier le caractère sociologique des enlèvements et meurtres de femmes, femmes et autochtones.

Je n’ai pas à convaincre qui que ce soit du bien-fondé de vos demandes, vous le faites merveilleusement bien vous-mêmes. Et je vous en remercie. Je vous remercie de nous montrer le chemin que l’on doit prendre individuellement et collectivement pour sortir de nos traumatismes personnels et collectifs. Je vous remercie de nous permettre de vous suivre, sur ce chemin afin que nous apprenions aussi à vous connaître mieux. À vous entendre, à vous voir. À s’inspirer de la force incroyable qu’il vous faut avoir eue pour survivre à des siècles d’extermination, et de politiques colonisatrices et patriarcales qui ont bouleversé jusqu’à vos cellules familiales.



Je vous remercie d’être en mouvement dans cette ère de morosité et d’austérité factice, irréelle, au fond. Que vous nous rappeliez, à nous ainsi qu’aux divers paliers de gouvernement provinciaux et fédéraux que balancer un budget ne veut rien dire en regard de la disparition et du meurtre de femmes et de filles autochtones, et de l’empoisonnement de l’environnement. 



Je vous souhaite à toutes et tous longue vie, et je vous suis infiniment reconnaissante. Et je vous suis.