Chronique

Mosus

La chronique devait s’appeler mots dits, mais disons que celle-ci s’intitulera mosus.  Pour mosus que je suis déçue du milieu communautaire… apolitique.  Certes, je ne fais pas référence aux sempiternelles mises en garde quant à la partisanerie, cela est nécessaire dans notre milieu d’un point de vue éthique.  Non, je fais référence à l’allergie presque viscérale dont font preuve une grande majorité des organismes communautaires d’action autonome à tout ce qui a trait au politique.   J’ai eu la désagréable expérience de vivre une fois de plus une assemblée générale annuelle de l’un de nos regroupements d’organismes autonomes pour y découvrir une grande partie des organismes présents tout frileux à simplement donner leur aval à un accord de principe concernant une hypothétique grève sociale, dans une hypothétique conjoncture stratégique devant être débattue dans chaque groupe de toute façon et ramenée au regroupement… Mosus. Je n’ai pas d’autre mot pour décrire mon état présent : mosus. Parce que si nous, organismes communautaires autonomes sommes à ce point frileux dans nos engagements à se mobiliser pour notre propre nombril, qui le fera d’après vous ?

Le printemps érable nous a pourtant démontré hors de tout doute que les gains sociaux sont bel et bien possibles en cette ère de néolibéralisme si l’on démontre toutefois deux qualités minimales : la solidarité, et la mobilisation autour d’une revendication. Hors, de revendications claires, j’ai entendu des personnes demander à grand renfort d’appuis que l’on garde plutôt un flou aux niveaux des propositions, plutôt que de faire des revendications précises. Ça va être super le fun pour les représentants de notre regroupement de partir nous représenter devant les instances ministérielles avec pas grand chose de clair, avec pas plus de stratégies claires non plus parce qu’il faudrait pas non plus, vous comprendrez, dire qu’on est pour les nouvelles politiques du gouvernement péquiste, c’est encore trop proche de la partisanerie.  C’est pas comme si on pouvait non plus se réclamer d’être contre le néolibéralisme : ben non, c’est ben trop politique. Les gens risqueraient de croire qu’oh scandale on pointe ici les libéraux…

Ben si on peut pu appeler un chat un chat, nous du mouvement communautaire autonome, ben moi je débarque. C’est comme si on me disait : ben là, Françoise, utilise pas le seul pouvoir que tu as : voyons donc ! La réappropriation de pouvoir, l’empowerment, c’est juste bon pour nos membres, ça. Les mêmes personnes qu’on sait être les plus touchées, les plus démunies, les plus dépouillées par ces mêmes politiques. Nous, leurs vis-à-vis, ne sommes même pas capables de donner un mandat clair à notre regroupement afin de leur donner les moyens de nous représenter, de les représenter… Nous sommes pour la vertu, mais sommes incapables de l’incarner concrètement et de façon solidaire.

Mosus. J’ai pas d’autre chose à dire que : mosus. Si vous me posez la question maintenant à savoir pourquoi le mouvement communautaire s’appauvrit (parce que c’est ce qui se passe il faut se le dire puisque les besoins et les demandes augmentent ainsi que tout au niveau du coût de la vie, mais pas le financement) et bien je vous dirais : mosus. Mosus qu’on a rien compris de ce que nous venons de vivre collectivement ce printemps. Mosus que je suis tannée d’expliquer aux gens le simple fait que si tu t’occupes pas du politique dans ta vie, le politique lui s’occupe de toi. Mosus, mosus. La déception est amère. La colère a cédé la place dans nos rangs à la peur : mosus. Avec pour conséquence de céder le seul pouvoir qu’on a et qui s’incarne au plan politique via une forte mobilisation de la base. Abdiquant ainsi le pouvoir sur notre devenir collectif, et ce au détriment direct des personnes que nous accompagnons sur le chemin de l’autonomie et de la réappropriation du pouvoir sur leur vie…  Force est de constater que le vieil adage est  malheureusement encore vrai : If you can’t do it, teach it .  Longue vie à l’empowerment de l’action communautaire autonome.