Chronique

Pissenlits : Hommage à la résistance.

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2 juin 2012, la nuit. Note à moi-même : quand je ne dors pas, penser aux pissenlits. Ça devrait faire la job, bientôt. Les Québécois sont comme les pissenlits, tu fesses dessus et ils en poussent cinquante de plus. C’est probablement la seule chose qui puisse en ce jour et à cette heure me faire un peu de bien. La résistance à son meilleur, dans sa plus simple expression. Une petite fleur jaune, vieille comme le monde, pas tuable. Qualifiée à juste titre de mauvaise herbe parce que vraiment vraiment difficile à éliminer.

 Tu tires dessus, marche pas : ses racines sont ben trop plantées creux. Comme nous autres. Des longues longues racines. Essaye pas de me déraciner, tu seras pas capable. Arraches moi la tête, pis je va repousser pareil. Le pissenlit, ses feuilles sont mangeables, diurétique, y parait même que c’est pour ça qu’on l’appelle de même, pisse au lit. On pourrait pousser notre luck jusqu’à dire qu’ils font chier, en définitive. Pas moyen de les exterminer, même si t’es gaze, même si tu les arroses de chimiques qui tue, y’en aura toujours qui vont survivre, qui vont pousser juste à côté, avant de revenir sur ta pelouse. Résistance, tu prends ton sens dans cette plante. Même le sang des pissenlits le suggère, une espèce de glue blanche qui ressemble à de la colle de petite école. Ça colle en plus. Ma sœur Jacinthe pis moi on en faisait des couronnes de fleurs, parce que leurs tiges se tressaient bien. Elles étaient souples. Pis la petite glue aidait à les faire tenir ensembles.

Les pissenlits, quand ça vieillit, c’est encore pire. Tu penses que t’es arrivé à fin du cycle, que ta belle pelouse va redevenir verte, ben non, ça résiste de plus belle. C’est tout blanc, c’est sur le bord d’être mort ou ce l’est déjà : c’est là que c’est le plus vivant. Un seul coup de vent et c’est le désastre : cinquante pissenlits en voie de naître. Formidable. Moi, quand j’en vois un de même, c’est plus fort que moi : je fesse dessus, j’y donne un grand coup de pied. Parce que ça défoule pis ça éloigne le cancer, mais aussi et surtout parce que ça me fait très très plaisir. Je vois partir toutes ces petits pissenlits potentiels, toute cette mauvaise herbe partir dans les airs, pis je me dis : maudit que la vie est belle, au fond. Elle est résistante, elle est multiple. Elle se joue de nous, de nos basses stratégies de contrôle de la nature. Mes hommages aux pissenlits, cette nuit ils me réconfortent plus que jamais, ils me donnent l’espoir de croire en la résilience des Québécois dans la crise actuelle qui sévit. Les Québécois, c’est résistants aussi, c’est comme les pissenlits. Je veux croire, et je croirai, que tu fesses sur un, et y’en a cinquante qui naissent. Cinquante de plus pour résister, pour s’incruster dans le paysage politique déviant, faussement vert, pour se faire des super racines à n’en plus finir. Une super résistance résiliente, florissante. Belle comme l’été qui fait juste commencer, comme le printemps qu’on va se rappeler longtemps. Les Québécois, c’est comme les pissenlits. Tu fesses dessus, il en pousse cinquante de plus…