Marijo Demers et François-Olivier Chené
Un autre possible : une réelle démocratie municipale
« Les autres possibles » est une chronique écrite à quatre mains par François-Olivier Chené et Marijo Demers, tous deux enseignants en science politique au Cégep de Saint-Hyacinthe. Chaque mois, ils se prêtent à l’exercice de sortir du prêt-à-penser politique et du sens commun pour démontrer qu’il y a, en latence, une multitude d’autres possibles qui n’attendent qu’une volonté politique pour se déployer.
La séance extraordinaire du conseil municipal de la Ville de Saint-Hyacinthe, tenue le 17 décembre dernier, portait sur le plan directeur des trottoirs et la modification du zonage d’une portion du centre-ville. Cette soirée houleuse a mis en lumière un fait criant : malgré une forte mobilisation citoyenne autour des deux enjeux (dépôt d’une pétition, action d’éclat symbolique, interventions au micro, lettres ouvertes, vidéos sur le Web), le pouvoir politique municipal, réputé le plus près du citoyen et le plus accessible, lui échappe totalement. Cette dépossession politique du citoyen est la norme au Québec.
Mais pourquoi en est-il ainsi ? Afin de fournir les services qu’on attend d’elles, les villes ont besoin d’argent et leur principale source de financement est la taxe foncière. Les municipalités se tournent donc vers les promoteurs immobiliers et les parcs industriels, grands générateurs de recettes fiscales. Dans un tel contexte, écouter des citoyens et leur faire une place dans le processus politique décisionnel, eux qui ne veulent pas de ces développements ou qui remettent en question la façon de faire, paraît contre-productif. Ces citoyens sont souvent dépeints comme des empêcheurs de tourner en rond, des nuisances ou, simplement, des bruits de fond qu’on s’efforce d’atténuer, d’encadrer à coup de séances de consultation bidon.
Le référendum d’initiative populaire comme autre possible : les citoyens sont tout aussi compétents que les élus
Pourtant, d’autres possibles politiques ont cours et méritent qu’on s’y attarde. Cela fait bientôt trois ans qu’en tant qu’enseignants de science politique au collégial, nous amenons des groupes d’étudiants en Europe. En Suisse, nous avons découvert une culture démocratique basée, d’une part, sur le consensus et, d’autre part, sur la décentralisation et sur le pouvoir politique citoyen.
En Suisse, les gouvernements sont composés de ministres provenant de différents partis politiques, les forçant à discuter, à faire des compromis, à s’écouter, bref, à gouverner en tenant compte des différents courants de pensées de la population. On est loin de la situation québécoise où un parti qui obtient 38 % des votes contrôle entièrement le gouvernement, ce qui peut créer beaucoup de frustrations chez la population qui ne s’y sent pas représentée.
Le pouvoir politique citoyen suisse s’incarne par le référendum d’initiative populaire, présent à tous les paliers de gouvernement. La population est non seulement appelée aux urnes sur les questions importantes, mais elle peut elle-même décider de demander aux politiciens de légiférer sur une question particulière. Qu’est-ce que ça donne, concrètement ? Chaque année, les Suisses tiennent quatre journées de votations populaires sur toutes sortes de sujets. De fait, environ la moitié de tous les référendums tenus dans le monde se déroulent en Suisse.
Ce système de référendum d’initiative populaire sert de garde-fou face à des élus qui seraient tentés de légiférer à l’encontre des intérêts politiques citoyens et entretient cette culture du consensus. Il ne suffit pas pour des élus d’avoir une majorité au conseil pour adopter tous les règlements qu’ils veulent. Ils doivent être à l’écoute des citoyens. En d’autres termes, la possibilité d’un référendum agit comme une force tranquille dissuasive.
À travers cet autre possible politique suisse, on découvre une logique démocratique toute simple : en ayant le temps requis pour s’intéresser à la chose politique et en étant informés, les citoyens sont tout aussi compétents que les élus pour décider de manière éclairée. Il serait grand temps qu’ici, nos villes déverrouillent la porte de la maison politique et y fassent entrer et participer le peuple, de manière réelle et significative. La demande et l’appétit pour l’écoute, la reconnaissance et l’implication citoyennes ne vont pas disparaître comme par magie, même si on balaie le tout momentanément sous le tapis. Vous en parlerez d’ailleurs aux centaines de milliers de Gilets jaunes, en France et ailleurs dans le monde, dont l’une des principales demandes politiques est justement le référendum d’initiative citoyenne, qui inclut aussi la possibilité de destituer des élus…
Les citoyens restent à la traîne si …
Votre article est très inspirant. Votre coup de crayon va dans la bonne direction, bravo !
En effet, TOUT nous concerne et nous les citoyens avons plus que jamais,un besoin accru de solidarité, de collectivité. Si nous voulons éviter d’être victimes de la propagande et de la désinformation, nous devons nous indigner et obliger les autorités à organiser des référendums sur les décisions qui causent problème et ainsi être vraiment consultés. Aucun problème n’est insoluble et c’est l’indignation collective qui donnera des résultats.
Rep
Gilets jaune et le référendum d’initiative citoyenne le RIC
La nouvelle loi 122 pourrait permettre ce style de gestion
Les élus sont de simple citoyen qui se présente aux élections en disant qu’ils seront à l’écoute des citoyens mais qui sont souvent commandités par des hommes d’affaires ou des professionnels faisant affaire avec la municipalité. La transparence n’est pas un élément que la législation garantit et les gouvernements supérieurs une fois en mode de pouvoir ne sont pas très intéressés à changer ce pouvoir de force. La seule manière d’aller chercher des élus qui travaillent pour le peuple, c’est de les rendre imputable de leurs décisions. Cependant les montants des budgets en jeu rend ce type de contrôle difficile à instaurer. Il faut donc rendre imputable ceux qui financent les candidats et simplifier les campagnes électorales avec l’utilisation d’une plate forme web unique sur laquelle les programmes des candidats doivent être disponible et ce au tout début de la campagne électorale. Trop d’élus se font élire sur des promesses non chiffrés, sans détails de mise en place et sans explications de la provenance de leurs idées. Nous élisons des gouvernements avec des chèques en blanc dans un monde ou les lobbyistes font la loi le lendemain des élections auprès d’élus trop souvent en manque de compétence et de sens analytique qui ne consultent pas toujours leurs électeurs et qui prennent plus souvent qu’autrement leurs décisions en huis-clos sans les expliquer lors de leurs adoptions. Une grande réforme qui doit partir du haut vers le bas. Enfin la nouvelle loi 122 permet de faire une consultation publique pour instaurer un nouveau système de consultation des citoyens afin d’approuver des projets nécessitants des règlements d’emprunts et des changements de zonage au niveau des usages. Une très grande consultation qui nécessitera un très haut niveau de transparence et un suivi du gouvernement du Québec.
Participation citoyenne
Si je me fie aux élus que je côtoie , selon moi le citoyen est beaucoup plus préoccupé par sa ville que pour sa poche.
Comité citoyen
Effectivement, les citoyens devraient pouvoir prendre les décisions qui les concernent. Les élus vont vendre l’idée que des référendums, ça coûte de l’argent. Pourtant, le favoritisme / les relations chez les élus coûtent souvent encore plus cher. Le seul problème du citoyen québécois est de pester contre les mauvaises décisions sans engendrer de réelle mobilisation pour faire un contre-poids. Mais la mobilisation coûte des efforts. Et plusieurs citoyens préfèrent laisser aveuglément le pouvoir aux élus: c’est moins demandant. Mais au final, est-ce qu’il y aurait un moyen de former des comités citoyens indépendants suffisamment puissants pour contrecarrer l’entêtement des élus?