Marie-Claude Morin
Nous avons tous-tes déjà eu connaissance d’une sœur, une mère, une amie, une voisine ou une collègue de travail qui partageait sa vie avec un conjoint jaloux. « Il n’est pas violent physiquement… » Mais, si elle n’entre pas à la maison tout de suite en terminant sa journée de travail, il risque de bouder toute la soirée ou de l’interroger longuement afin de savoir à qui elle a parlé et de quoi. Si elle essaie de placer un mot, elle se fera peut-être humilier, rabaisser, menacer, priver de sommeil.
Juste pour qu’elle se sente coupable d’avoir été prendre un verre avec ses collègues. Il ne l’a pas frappée, parce qu’il sait très bien que s’il s’en prend physiquement à elle, il pourrait avoir des problèmes avec la justice. C’est donc une série de stratégies qui seront graduellement mises en place afin d’avoir un plein contrôle sur la victime.
Un amalgame de gestes subtils et invisibles pour les personnes extérieures, mais pour la victime, c’est un climat de peur et de terreur qui s’installe. Elle doit faire attention à ce qu’elle dit, à ce qu’elle fait, elle marche sur des œufs en permanence. Des abus qui peuvent mener à une carrière brisée, une faillite personnelle, un réseau particulièrement effrité, des troubles de santé, physique ou mentale, des accusations mensongères d’aliénation parentale, une estime personnelle très affaiblie, un syndrome de choc post-traumatique… Des dommages souvent lourds et difficiles à surmonter sans aide.
Il n’y a pas de profil type de victime de contrôle coercitif, bien que ce soit majoritairement des femmes : elles ne sont pas plus ou moins scolarisées, n’ont pas plus ou moins de caractère, ne sont pas plus ou moins naïves. Elles ont simplement cru à la bienveillance de leur partenaire devant la gentillesse démontrée en début de la relation. Il n’y pas de profil type d’auteur de violences non plus, mais ils ont un point en commun qui est le sentiment de légitimité. Ils affirmeront ainsi « protéger » ou « aider » leur partenaire en contrôlant ses allers et venues, en surveillant son téléphone ou encore, en la privant de ressources financières.
Ce comportement de contrôle et de privation de liberté est criminalisé depuis 2015 en Angleterre et au Pays de Galles. Ont suivi l’Écosse, l’Irlande et certains états américains et australiens. Le Canada est sur la bonne voie aussi. Le projet de loi C-332 modifiant le code criminel afin d’y intégrer le contrôle coercitif a fait beaucoup de chemin durant la dernière législature, avant de mourir au feuilleton. L’unanimité observée à la Chambre des communes autour de cet enjeu nous donne bon espoir que des travaux en ce sens seront à l’ordre du jour de la rentrée parlementaire.
Une loi protégeant les victimes, c’est un outil juridique supplémentaire pouvant potentiellement prévenir un féminicide et je salue cette initiative, mais elle doit impérativement être accompagnée de mesures complémentaires, et les ressources expertes doivent être consultées et soutenues financièrement à la hauteur des besoins exprimés sur le terrain. Nous devons aussi garder en tête que certaines victimes ne désirent pas porter plainte et qu’il est important de respecter ce choix. Ajoutons que la violence ne s’arrête pas nécessairement après une séparation, au contraire, car le sentiment de perte de contrôle peut mettre la victime en danger. Nous avons donc collectivement la responsabilité de ne pas fermer les yeux, tout en agissant avec prudence et diligence et surtout, de laisser notre jugement de côté.
La prochaine est encore en vie.
Besoin d’aide et / ou d’information (www.controlecoercitif.ca / 1-800-363-9010)
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