Politique
Lettre ouverte

Démolitions rue Saint-François : le mot de la fin

En date du 5 juillet, les édifices de la rue St-François en cours de démolition (vue du stationnement). Photo : Nelson Dion

Comme citoyenne et résidente du district Cascades, j’ai interjeté l’appel de la décision du comité de démolition, le 3 mai dernier, devant le conseil municipal de la ville de Saint-Hyacinthe. Je l’ai fait au nom de la trentaine d’opposants qui avaient fait parvenir à la Ville un avis plaidant en la faveur de sauvegarder les six immeubles de logements abordables de la rue Saint-François. Je l’ai également fait par respect envers la vingtaine de personnes, dont plusieurs très âgées, qui ont été évincées.

En date du 5 juillet, les édifices de la rue St-François en cours de démolition (vue du stationnement). Photo : Nelson Dion

L’un des conseillers, Donald Côté, m’a demandé si toutes les personnes avaient été relocalisées à leur convenance. C’est la seule question qui m’a été posée lors de cette séance et je ne comprends pas pourquoi elle a été adressée à moi, citoyenne et résidente, alors que la Ville prétend avoir fait les démarches nécessaires pour accompagner les personnes évincées.

Je tiens à mentionner que si, personnellement, je ne connais pas toutes ces personnes et que je ne sais pas où elles ont été déplacées, j’ai eu des confirmations, via la concertation maskoutaine en matière de logements, que bien qu’il y ait eu, effectivement, des accompagnements réalisés par des représentants de la Ville qui se sont soldés par d’heureux dénouements, malheureusement, certaines des personnes résidant sur la rue Saint-François sont allées gonfler la liste d’attente de l’OHMA (Office d’habitation des Maskoutains et d’Acton). D’autres ont été aidées par des résidentes et des résidents du quartier qui avaient à cœur leur bien-être. Enfin, il y a un petit nombre de personnes qui ont fait partie de celles à la rue au 1er juillet 2020.

C’est lors de la séance publique du conseil du 3 mai 2021, le jour même de l’audition de l’appel des démolitions, que la résolution a été adoptée à l’unanimité pour que les six immeubles de la rue Saint-François soient démolis. Cette résolution a été appuyée en bonne et due forme par le conseiller David Bousquet. Celui-ci a tenu à partager la vision du conseil municipal quant au centre-ville et à son développement. Dans sa vision et son argumentaire à l’effet que toutes les préoccupations citoyennes ont été traitées, soit la pénurie de logements abordables en vue du 1er juillet prochain, la démolition d’autres logements abordables par les années passées pour en faire du stationnement et la revente d’un stationnement à Groupe Sélection, il a pourtant omis un des arguments majeurs : jamais la Ville n’a procédé à une consultation populaire par voie référendaire pour le projet de Groupe Sélection, et, plus largement, pour la création de la zone riveraine qui oblige désormais la construction d’immeubles de six à huit étages aux abords de la rivière Yamaska.

Pourquoi le centre-ville et ses résidentes et résidents ont-ils été exclus des procédés référendaires alors que tous les autres secteurs de la Ville y sont toujours soumis ? Pourquoi le conseiller David Bousquet, qui siège lui-même sur le conseil d’administration de l’Office d’habitation des Maskoutains et d’Acton, en plus de présider Habitations Maska, nouvel acteur de logements abordables, a-t-il appuyé cette résolution visant la démolition des six immeubles de logements abordables alors qu’il sait pertinemment que nous sommes dans la pire crise du logement de la décennie et la pire ville du Québec à cet égard ?

Dans les propos qu’il a tenus concernant la création, par la Ville, de 92 logements abordables, il a argumenté que la vision de verdissement du centre-ville passait par la requalification des espaces près de la rivière Yamaska et par l’aménagement de la promenade Gérard-Côté. Il a toutefois omis de préciser que les acquisitions faites par la Ville visaient, elles aussi, des immeubles de logements abordables qui devront être démolis et qui viendront, encore, aggraver la perte du parc de logements locatifs au centre-ville. Il a aussi négligé d’indiquer qu’une très grande proportion des 92 logements créés ne sont pas du logement abordable, mais plutôt du logement social avec, pour effet, d’avoir des critères d’exclusion pour certains ménages. Enfin, il a omis de dire qu’une autre proportion de ces logements sont des logements de transition qui seront gérés par des organismes communautaires du milieu. S’ils s’avèrent être très précieux, ils ne peuvent en aucun cas, hélas, pallier la perte nette de tous les logements abordables démolis par la Ville dans les dernières années, et la vingtaine de logements abordables de la rue Saint-François.

Enfin, la construction de l’immeuble de Groupe Sélection entraînera la coupe des six tilleuls matures de la rue Saint-François et menace les épinettes majestueuses faisant plus de 50 pieds de hauteur. Sachant les précieux services que peuvent rendre les arbres matures comparativement aux jeunes arbres nouvellement plantés, la Ville prévoit-elle prier Groupe Sélection de sauvegarder les épinettes et les tilleuls jouxtant la promenade Gérard-Côté ? Après tout, au prix auquel elle vend le stationnement municipal Intact à Groupe Sélection, après avoir aménagé un nouveau stationnement municipal aux frais du trésor public (incluant achat et démolitions d’autres logements abordables), ça ne serait pas trop demander.

Je termine ma lettre en remerciant les citoyennes et les citoyens qui ont eu à cœur les locataires de la rue Saint-François et, plus largement, les citoyennes et les citoyens du centre-ville. Merci pour votre solidarité.

Chantal Goulet

Résidente du Centre-Ville