Ruralité
Serge Giard

Pesticides : les consommateurs sont également concernés

Pour Serge Giard, les consommateurs ont un rôle crucial à jouer pour réduire l’usage des pesticides dans les champs. Photo : Roger Lafrance

« Le consommateur recherche toujours le panier d’épicerie le moins dispendieux. Or, pour réduire ses coûts, l’entreprise agricole doit faire des choix qui favorisent le moins cher et le moins de temps. L’emploi des pesticides en fait directement partie. »

Serge Giard est sans contredit le mieux placé pour parler des conséquences de l’utilisation des pesticides. Depuis plusieurs années, le producteur agricole de Saint-Hugues se bat contre la maladie de Parkinson, conséquence directe de l’usage des pesticides sur la ferme.

 

Pour Serge Giard, les consommateurs ont un rôle crucial à jouer pour réduire l’usage des pesticides dans les champs. Photo : Roger Lafrance

Le plus ironique dans sa situation, c’est qu’il avait lui-même fait le choix de l’agriculture biologique il y a une vingtaine d’années. Il avait toujours entretenu des craintes face aux pesticides. Ses recherches sur la question l’avaient incité à se pencher sur la santé des sols.

« J’avais fait des tests sur une ou deux parcelles et je m’étais rendu compte qu’en n’appliquant aucun engrais et aucun pesticide, j’avais les mêmes rendements. »

Si Serge Giard est aujourd’hui à la retraite, il n’a pas cessé son engagement à faire reconnaître les méfaits des pesticides sur la santé, particulièrement auprès des premiers intéressés, les agriculteurs eux-mêmes.

L’automne dernier, l’organisme qu’il a fondé avec d’autres producteurs, Victimes des pesticides du Québec, a remporté une importante victoire en faisant admettre la maladie de Parkinson comme maladie professionnelle pour les travailleurs qui ont été en contact avec les pesticides.

Cette victoire n’est que partielle, admet-il d’emblée, car les critères établis par la CNESST ont pour effet d’écarter de nombreux travailleurs. C’est d’ailleurs son cas puisque son diagnostic remonte à trop loin. De plus, pour y avoir droit, les producteurs agricoles doivent cotiser à la CNESST. Or, il n’y a présentement que 32 % qui le font.

Même s’il n’a plus l’énergie qu’il avait, Serge Giard poursuit son travail de conscientisation. Au cours des dernières semaines, l’organisme qu’il préside a entrepris une tournée aux quatre coins du Québec auprès des producteurs et de la population.

Pour ce faire, il était accompagné de Paul François, producteur français bien connu, qui a poursuivi la multinationale Mosanto, aujourd’hui propriété de Bayer, après avoir inhalé des vapeurs de l’herbicide Lasso. Or, même s’il a gagné trois fois devant la justice française, il attend toujours les indemnités qui doivent lui être versées, ce qui en dit long sur les difficultés que vivent ceux qui affrontent ces multinationales.

La tournée leur a permis de rencontrer bon nombre de consommateurs et de producteurs préoccupés par l’usage des pesticides.

« Les gens sont de plus en plus informés et ils sont inquiets. Ils savent qu’il n’y a rien de positif dans les pesticides, confie Serge Giard. Les producteurs, eux, sont aussi conscients que les pesticides sont polluants, mais ils disposent de peu de moyens pour les diminuer. »

Pour lui, ces moyens sont surtout le soutien technique pour aider les producteurs à adopter de nouvelles pratiques. La peur de pertes financières importantes est un frein aux changements, admet-il.

Pour l’instant, l’organisme qu’il préside entend poursuivre le travail de conscientisation et de soutien auprès des travailleurs qui désirent adresser des demandes d’indemnisation à la CNESST. Serge Giard souhaite également continuer le combat politique afin que d’autres maladies liées à l’usage des pesticides soient reconnues comme maladies professionnelles, comme le lymphome non hodgkinien et différents types de cancer.

« C’est un enjeu de société, pas juste un enjeu qui ne concerne que les agriculteurs, affirme-t-il. Il faut que les consommateurs acceptent de dépenser davantage pour se nourrir. Les consommateurs doivent être conscients de leur poids sociétal. C’est là que ça va se décider. »