Société

La Presse devient un OBNL : je ne me fais pas à l’idée

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Je n’arrive pas à croire qu’on ait pu nous passer un pareil sapin. La Presse, un organisme sans but lucratif… Qui plus est, il commence sa nouvelle vie avec 50 millions de dollars, cadeau de Power Corp. C’est quasiment un affront pour tous ces organismes qui se démènent pour obtenir des subventions de 25, 50 000 $ par année. Il suffit de penser au peu de financement dont disposent les médias communautaires pour être un tantinet en beau maudit.

Une fois l’année écoulée et le cadeau dépensé, le géant va venir puiser dans les fonds déjà insuffisants des organismes sans but lucratif. On peut espérer, qu’il ne pigera pas dans le PAMEC (Programme d’Aide aux Médias Communautaires), par contre certains ministères seront sûrement sollicités et le grand public sera appelé à faire des dons. Qui sait, les grandes fondations comme la Fondation Chagnon y verront peut-être une façon de faire rayonner leur vision de la petite enfance, de la jeunesse, etc. ? La Presse va peut-être reluquer Centraide en s’engageant à faire un cahier sur l’itinérance, un autre sur les jeunes aux prises avec des problèmes de consommation ? Tout ce beau monde deviendra spécialiste des questions de société. Tout sera parfait dans ce milieu de journalistes professionnels pleins de bonnes intentions. Peut-être présenteront-ils leur candidature à des concours de médias communautaires (quoiqu’il faudrait avoir du front tout le tour de la tête…) ?

La Presse, la grosse Presse à Desmarais, un OSBL, c’est la farce de l’année. Photo : Nelson Dion

La Presse, la grosse Presse à Desmarais, un OSBL, c’est la farce de l’année. C’est vrai que je suis vieux jeu ; je ne comprends rien aux nouvelles alliances entre la bourgeoisie et les enjeux post-modernes (!!!). La Presse deviendra-t-elle un journal de combat ? Pourquoi pas ? Mais j’inviterais les gens qui croient qu’il s’agit de la meilleure chose qui soit arrivée dans les médias à être prudents, Power Corporation a toujours eu le bras long. D’aucuns et d’aucunes diront qu’il y a des journalistes de qualité à La Presse. Vous êtes-vous demandé si chacun pourra conserver son bon salaire ? Croyez-vous qu’ils et elles pourront se doter démocratiquement d’une ligne éditoriale ? Et par les temps qui courent, ces journalistes seront-ils tentés d’écarter toute opinion qui pourrait mettre leur avenir en péril ?

Pensez-vous que les personnes qui écrivent régulièrement dans les médias communautaires vivent de leurs écrits ? J’ai été surprise de constater que peu de gens aient réagi avec force à l’arrivée de ce paquebot parmi les chaloupes dont les rameurs sont à bout de force. Je n’ai pas la prétention d’avoir la vision juste de cette nouvelle dimension, mais je soulève des questions auxquelles je n’ai pas trouvé de réponse.

Je me dis qu’on est vraiment dans un monde surprenant qui a toujours plus de trucs adaptés pour maintenir sa domination en douce. Et ça passe comme du beurre dans la poêle…

 

Hélène Morin, retraitée du secteur communautaire