Société

Le virus du sexisme, la deuxième pandémie qui frappe le Québec

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Alors que la Covid-19 frappe tout le Québec, il semble que les femmes soient particulièrement touchées par les répercussions de la pandémie. Pour donner une idée plus claire du phénomène, les femmes représentent 70 % de la main-d’œuvre en première ligne, à savoir celles que l’on surnomme les anges gardiens du Québec.

Ce titre, normalisant l’idée que les femmes seraient naturellement responsables d’apporter de l’aide aux autres, est, en soi, problématique, mais ce n’est pas tout. Il laisse aussi de côté tout un pan de la société, soit les femmes ayant perdu leur emploi à cause de la pandémie. Avec un taux de perte d’emploi deux fois plus élevé que chez les hommes, dans la tranche active des 25-54 ans, il est nécessaire de se questionner sur les structures sociales et culturelles qui sont à l’origine de cette différence observée par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ).

Ces femmes, qui ont subi un retour forcé à la maison, de même que celles ayant vécu une conversion au télétravail demandée par le gouvernement méritent aussi que l’on se penche sur leur situation. Plutôt que d’être des anges gardiens au grand cœur, prêts à tout donner pour servir les autres, les femmes, qui sont retournées à la maison, sont plutôt forcées, contre leur gré, à absorber une plus grande charge mentale reliée aux tâches domiciliaires et parentales comparativement à leur conjoint.

Ce sont ainsi 64 % des femmes qui considèrent être responsables de l’enseignement des enfants à domicile contre 19 % chez les hommes selon Statistique Canada. En ce qui concerne les femmes travaillant à la maison, elles sont 40 % à déclarer qu’elles accomplissent la plupart des tâches parentales.

Il n’est donc pas étonnant, en constatant ces chiffres, que la santé mentale des femmes soit plus affectée par ce retour à la maison et par la pandémie dans son ensemble. On parle, notamment, qu’une femme sur quatre a rapporté vivre de la dépression ou de l’anxiété due à la pandémie contre un homme sur cinq.

Le discours selon lequel l’égalité des genres a, depuis longtemps, été atteinte au Québec subsiste encore aujourd’hui, entre autres, à cause de la montée des groupes masculinistes. Dans les faits, on peut difficilement être plus loin de la réalité. Même si de nombreuses avancées ont été faites à travers les années, il reste encore énormément de chemin à parcourir si l’on veut arriver à une réelle égalité. Dans son dernier rapport (2019), l’ISQ démontrait, pour une énième fois, que la parité salariale n’existe toujours pas au Québec avec un écart de 2,87 $ de l’heure en moyenne entre les femmes et les hommes. Sans grande surprise, des écarts de salaire horaire s’observent même à poste identique.

Rappelons, de plus, que les emplois sans diplôme et traditionnellement masculins sont généralement mieux rémunérés que ceux traditionnellement féminins. À titre d’exemple, « un manœuvre qui bouche des trous dans la chaussée gagne beaucoup plus cher qu’une préposée en soins à domicile, une fonction qui nécessite pourtant plus de compétences, selon la présidente du CSF [Conseil du statut de la femme] », rapportait Robert Dutrisac dans Le Devoir.

À la lumière de cette situation, une certaine citation de Simone de Beauvoir prend tout son sens : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »

Rester vigilantes, mais, surtout, continuer à se battre pour que les choses changent. Des changements structurels et sociaux doivent être apportés afin d’éviter plus de retombées dans le futur. D’une part, le gouvernement est tenu de mettre en place des mesures concrètes pour remédier à ces inégalités. D’autre part, il faut que notre société se confronte à sa perception des rôles de genre et qu’elle travaille sur une plus grande responsabilisation des hommes dans la famille.

 

Vincent Caussan, Mégane Périard et Antoine St-Amand, étudiants et étudiante en travail social à l’Université de Sherbrooke