Chronique

Couper les familles d’accueil en santé mentale en faveur d’organismes communautaires : Quand le mieux est l’ennemi du bien.

francoise_pelletier

‘’Faire ensemble et autrement’’, tel est le thème central du Plan d’action en santé mentale (PASM) 2015-2020 du Ministère de la Santé et des Services sociaux. Pour moi qui œuvre en réinsertion sociale dans une ressource alternative en santé mentale depuis 17 ans, ça me donne l’impression que c’est notre discours alternatif en santé mentale qui est repris par les paliers institutionnels. Nos principes ‘’d’ailleurs et autrement’’, défendus vigoureusement par nos regroupements d’organismes communautaires autonomes alternatifs en santé mentale,  visant à offrir des espaces de rétablissement différents de ce qui existait seulement à l’origine dans les hôpitaux, semblent être désormais intégrés là même où nous les défendions dans les dernières décennies. 

On se rappellera que l’approche alternative s’appuie sur la personne d’abord et avant tout, sur ses ressources personnelles dans une conception globale plutôt qu’axée sur la maladie mentale,  incluant la réappropriation du pouvoir sur sa vie dans une visée citoyenne, intégrée dans une approche horizontale et démocratique. 

C’est un peu ironique qu’à l’heure où nous connaissions une aussi puissante centralisation et hiérarchisation des services de santé et de services sociaux, inégalée dans l’histoire depuis la réforme Barrette, nous nous fassions servir nos propres principes alternatifs en santé mentale dans un plan ministériel. 

Toujours est-il que selon le Ministère, le PASM vise à offrir des soins de qualité, mais aussi à travailler ’’à abattre les frontières entre les services et les obstacles à l’accès’’.

C’était un peu différent m’apparait-il que d’abattre des services en créant des obstacles à l’accès, ce que semble s’être décidé à faire le gouvernement dans sa directive de ne plus financer 58 familles d’accueils en santé mentale du territoire de la Mauricie-Centre du Québec. 

La raison pour ne plus financer ces familles d’accueil qui hébergent 178 personnes vivant des problèmes de santé mentale ? Pour investir plutôt dans des ressources qui aident ces personnes dans leur réinsertion sociale et leur autonomie. 

C’est ce qui ressemble à une moitié de bonne nouvelle ! Bien sûr, c’est fantastique de penser que des ressources alternatives en santé mentale, spécialisées en réinsertion sociale pourraient être mieux reconnues financièrement (si cela se concrétise) afin d’aider les personnes à développer davantage leur autonomie.  Sauf que comme dirait ma collègue qui cumule autant d’années d’expérience que ce que le mouvement alternatif en santé mentale en compte lui-même: ‘’le mieux est souvent l’ennemi du bien.’’ 

En effet, on ne peut simplement pas imposer l’autonomie et la réinsertion sociale à qui que ce soit ! C’est un processus qui doit se faire volontairement, et qui requiert également d’avoir la capacité de le faire. C’est donc dire que d’enlever de force des personnes ayant des problématiques en santé mentale à leur famille d’accueil pour les diriger vers des ressources de réinsertion sociale et professionnelles revient à nier leur libre-choix, et justement, leur autonomie. Et pour le bout du ‘’ensemble’’ du PASM, ben on repassera. 

Enfin, pourquoi tout d’un coup cette reconnaissance inattendue des ressources de réinsertion sociale en santé mentale ? Parce qu’elles coûtent moins cher ? Parce qu’elles font partie du plan de destruction massive des services publics de l’État ? La prochaine étape, c’est quoi ? On va vanter les mérites des organismes communautaires qui tout d’un coup pourraient se substituer à … l’hôpital ? 

Mauvaise nouvelle. Nous ne nous substituerons pas aux services coupés de l’État, comme nous ne nous improviserons pas des mandats de familles d’accueil ou de services professionnels qui doivent continuer à être dispensés et assumés par les services publics, dans une vraie optique ‘’d’ensemble et autrement’’.

 

 

Post-Scriptum :

Le Plan d’action en santé mentale (PASM) 2015-2020: http://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/document-001319/