Chronique

Frue Frue Frue

Savez-vous ce qui suscite le plus de réaction sur les réseaux sociaux ? Le Plan Nord ? La gratuité scolaire déboutée par le Parti Québécois ? De mon humble expérience ce n’est pas ça. Non, ce qui fait partir en peur ma communauté facebookienne, c’est le féminisme. Surpris ?

Pas tant que moi. À l’heure où la gauche s’entend sur l’importance de se mobiliser contre le Plan Nord, ou contre la privatisation de nos services publics on doit être solide en baptême pour s’affirmer féministe.  Si je sacre, c’est parce que c’est sacrant. À toutes les fois, et je dis bien à toutes les fois, que j’ai critiqué le système Québécois patriarcal (oui, le système Québécois est patriarcal, l’a toujours été, et on peux-tu s’entendre pour travailler ensemble pour que j’aie pas à le conjuguer au futur ?) je me suis faite systématiquement rentrer dedans, moi ou quelques consoeurs mal avisées d’avoir osé prendre la parole sur le sujet. 

Je passe alors de longs moments (où je me dis toujours que c’est la dernière fois que je publie sur ce sujet) à expliquer aux messieurs que ce n’est pas de leur faute, que c’est la faute au système dans lequel on vit, dans le fait de maintenir les genres et les stéréotypes qui font du mal aux deux sexes. Malgré cela, on me sort gentiment de façon paternaliste : oui, mais il y a des féministes vraiment radicales ! Frustrées !  (…) Baptême ! J’comprends. Vous ne le seriez pas, vous ? À vous faire dire à chaque fois que vous vivez ou êtes témoins d’une situation contemporaine où les femmes sont désavantagées par rapport aux hommes que vous rêvez en couleurs ? Que les hommes aussi ont des droits (quelle drôle d’idée, comme si le féminisme enlevait des droits aux hommes en les donnant aux femmes, en vase communiquant ?)

À mon avis, le simple fait de nier cette réalité d’inégalités entres hommes et femmes est une forme de violence en soi, celle de nier la réalité et de nier celle de tant de personnes. Enfin, comment ne pas être frustrée ? Et je ne parle même pas ici des reculs historiques et des incessantes attaques du gouvernement Harper. Se faire dire que les féministes ont été trop loin, que ce sont de leur faute si les droits des hommes sont en recul dans notre société,  que la société est matriarcale et l’était au Québec autrefois et tout un tas de fausses croyances populaires colportées afin de se donner une bonne conscience… Je vous assure que c’est assez une aventure que de rester calme. J’y arrive quelquefois, tel que dans ce petit commentaire qui répondait au fait que le féminisme avait probablement entraîné le recul du droit des hommes :

Je pense que de mettre le féminisme au banc des accusés est plutôt viser à côté; De tout temps et de toutes les sociétés dans lesquelles les femmes se sont émancipées, cela s'est accompagné d'une meilleure qualité de vie pour l'ensemble de la société. Ce qui se passe, par contre, et qui s'est vécu en parallèle avec le féminisme, a été depuis les dernières décennies un recul social à tous les niveaux, avec la montée du néolibéralisme, la mondialisation etc. Ce sont ces politiques qui font du tort aux hommes, et aux femmes aussi (qui sont encore la frange la moins fortunée de la société). Ce discours de tenir les féministes responsables du recul du droit des hommes dans notre vécu ensembles, c'est très blessant pour toutes les militantes, d'hier à aujourd'hui, en plus d'être à côté de la track […]

Pas pire pour une frustrée. Vous voulez savoir ? Le jour où on n’aura plus à se défendre d’être féministes, on va déjà avoir franchi un cap. Le jour où on aura le droit d’être frustrée parce que c’est frustrant en tabarnak, là aussi. En attendant, ben tant qu’à être frustrée, je propose qu’on change le slogan So So So pour Frue Frue Frue.