Chronique

Projet Réseau Sélection : Quand ma mère s’adresse à la ville

francoise_pelletier

Ce mois-ci mon Mots dits a été écrit à 4 mains, avec ma mère. Celle-ci a également lue cette allocution lors de la conférence de presse du 13 juin 2017 au 1855 exposition collective, à Saint-Hyacinthe.

C’est comment nous nous situons vis-à-vis de l’arrivée de Réseau Sélection au centre-ville.

 

En tant que propriétaires d’immeubles du secteur Christ-Roi, nous sommes très inquiètes quant à la venue de Réseau Sélection. Nous avons consulté notre voisinage et portons aujourd’hui plusieurs de leurs préoccupations.

À l’invitation de la ville remise à l’occupant en date du 1er juin, nous avons fait nos devoirs, et avons été à la soirée d’information et de consultation de la ville le 6 juin dernier. Loin d’être rassurées, nous y avons appris que l’emplacement de la tour de 15 étages donnerait directement sur nos rues St-François et St-Amand, qui auront dorénavant vue sur tour et stationnement. Stationnement qui, par ailleurs, nécessite la démolition de cinq autres immeubles de logements abordables de la rue St-François, après éviction de locataires, dont certains plus âgés y ayant vécu toute leur vie.

Nous sommes préoccupées par le fait que l’architecture de la tour, qui a été adaptée pour avoir bonne mine sur la rue Saint-Antoine, n’ait cependant aucune limite de hauteur avec son «derrière» de 15 étages, qui donne directement sur nos rues résidentielles.

Nous sommes préoccupées par le fait que la construction d’un méga stationnement étagé, dont l’accès se fera nécessairement par le quadrilatère Marguerite- Bourgeoys, St-François, St-Amand et Mondor, décuplera la circulation automobile, avec toute la pollution y étant associée.

Nous sommes inquiètes car nombre de nos voisins logeant à l’OMH sont des familles ayant de très jeunes enfants, et que ceux-ci jouent souvent en bordure du terrain, leur enthousiasme débordant souvent jusque dans la rue. Nous sommes d’autant plus inquiètes que leur santé et leur sécurité nous importent.

Nous sommes atterrées du fait que la Ville nous ait invitées à une soirée de consultation, tout en nous présentant une vision globale du centre-ville qui ne souffre aucun délai à cause des impératifs du privé, du puissant constructeur de Réseau Sélection.

Nous ne comprenons pas l’empressement de notre Ville à se plier aux contingences du privé avant même d’avoir amorcé une réelle consultation des résidents, locataires, commerçants, et, surtout, sans prendre le temps de mesurer les impacts environnementaux et sur la santé publique.

Nous ne croyons pas que le mandat d’une Ville soit de s’assurer que le privé soit le plus concurrentiel possible, et puisse faire des économies d’échelle. Nous croyons que le mandat d’une Ville doit être d’abord et avant tout axé sur le bien-être et la santé de sa population.

Nous croyons qu’au-delà des façades d’immeubles revampées, il importe de tenir compte de celles et ceux qui les habitent et qui peuplent le quartier, celles et ceux qui occupent d’ores et déjà le territoire.

Nous croyons que la Ville doit mener une consultation qui va au-delà des façades.

À titre plus personnel, et en tant que personne âgée propriétaire, je ne comprends pas que la Ville considère seulement les futurs occupants de l’immeuble Réseau Sélection sans penser aux propriétaires âgés occupant déjà le secteur et ayant contribué à son essor. Je n’ai pas bénéficié d’un congé de taxes pendant cinq ans, et je paie des taxes à notre Ville depuis maintenant plus de 12 ans. N’ai-je pas droit aux mêmes égards que les futurs résidents de la tour de Réseau Sélection ? Leur qualité de vie primerait-elle sur ma qualité de vie ? Et leurs besoins, sur ceux de tout le voisinage?

Mon rêve à moi n’est pas de sauter en parachute, mais plutôt, que notre quartier populaire demeure un endroit où il fasse bon vivre, autant pour les personnes âgées que pour les nombreuses familles, dont plusieurs immigrantes, présentes et à venir, et que leurs enfants puissent grandir en paix, en sécurité et en santé.

C’est pourquoi, à titre de propriétaire d’immeuble au centre-ville, de résidente du secteur, et comme personne âgée solidaire des locataires évincés ou en recherche de logements abordables, je joins ma voix à celle du CCCPEM pour que la Ville, « capitale du char» selon les dires de son directeur général, modère «son char» dans le dossier de Réseau Sélection.

Pour que la Ville adresse une demande à la Direction de la Santé publique de la Montérégie pour bien mesurer les impacts sur la santé globale, et qu’elle nous les présente, dans une réelle consultation publique, non soumise aux seuls intérêts du privé. Merci. 

 

Suzanne Viens et Françoise Pelletier