Chronique

Une rentrée et une sortie

École Larocque, classe de première année, 1960.

La direction et le conseil d’administration tiennent à remercier Paul-Henri Frenière pour sa remarquable contribution au cours des années et lui souhaite la meilleure des chances pour la suite des choses.

Merci PH !

 

On a beaucoup parlé de la rentrée scolaire, cette année, pour toutes sortes de raisons. Ça m’a fait penser à ma première rentrée, il y a bien longtemps. C’était en 1960, à l’école Larocque dans la paroisse Notre-Dame-du-Rosaire, qu’on appelait simplement le quartier 5. Ce n’était pas le bâtiment actuel, mais un plus ancien. On l’a démoli quand des morceaux de plâtre ont commencé à nous tomber sur la tête.

École Larocque, classe de première année, 1960.

On était alignés dans la cour par ordre de grandeur; les gars d’un côté, les filles de l’autre. Il fallait garder un « silence parfait », exigeait-on. Ça donnait le ton.

La première chose que l’on a faite en entrant dans la classe, c’est une prière. Derrière le bureau de la maîtresse, il y avait un grand crucifix avec un barbu aux cheveux longs, presque tout nu, qui saignait des pieds et des mains parce qu’on l’avait cloué sur deux planches de bois. On apprenait plus tard que c’était le fils de Dieu. Moi, en tout cas, mon père n’aurait jamais laissé faire ça.

Un élément essentiel du cursus scolaire : il fallait apprendre, par cœur, le petit catéchisme pour se préparer à recevoir la première communion. C’était un petit livre gris qui contenait tout ce que nous devions savoir pour être un bon chrétien, une bonne personne, quoi. C’était compliqué par exemple.

On apprenait qu’il y avait trois personnes en Dieu : le Père (un vieux barbu allongé sur un nuage), le Fils (le jeune barbu de tantôt qui saignait) et le Saint-Esprit. Ça pouvait aller pour les deux premiers, mais le troisième? Comment un esprit peut-il être une personne?

Heureusement, le petit livre gris nous donnait la réponse. Je l’ai retrouvé sur Internet : « Nous ne pouvons pas comprendre comment les trois personnes ne font qu’un seul et même Dieu parce que c’est un mystère. Un mystère est une vérité que nous ne pouvons pas comprendre, mais que nous devons croire parce que c’est Dieu qui l’a révélée. » C’est comme ça qu’on formait notre esprit critique.

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Le vendredi était ma journée préférée de la semaine. L’après-midi, on dessinait. Au cours de l’année, je me souviens d’avoir dessiné un perroquet très coloré, une truite mouchetée et le portrait de Winston Churchill.

La maîtresse devait me trouver doué puisqu’elle m’a demandé de reproduire, sur un tableau, les logos des six clubs de la LNH. Oui, les jeunes, j’ai bien dit SIX clubs : New York, Détroit, Chicago, Boston, Toronto et Montréal.

La classe devait se diviser en six groupes et il y aurait une compétition pour déterminer quelle équipe avait acheté le plus grand nombre de « p’tits Chinois » à la fin de la saison. Il faut dire que les missionnaires catholiques venaient dans les écoles du Québec et nous parlaient de la pauvreté en Chine. On nous demandait d’acheter, pour 25 sous, une petite carte avec la photo d’un jeune Chinois. J’imagine que la collecte a bien marché parce que la Chine est en voie de devenir la première puissance économique du monde.

Bien sûr, toute la classe voulait faire partie du Canadien, d’autant plus que la Sainte-Flanelle venait de gagner quatre coupes Stanley d’affilée. (Eh oui, les jeunes.) Mais c’est la maîtresse qui faisait le repêchage… Je me suis retrouvé avec les Blackhawks de Chicago. Heureusement, j’aimais leur logo, de loin le plus beau.

La sortie

Voilà, je pars de là : le crucifix, le catéchisme et la Sainte-Flanelle. À travers tout cela, j’ai appris à lire, à écrire et à compter. Je préférais raconter. Comme ce premier texte publié au primaire dans le petit journal d’école. C’était l’histoire d’une fillette pauvre, mal habillée pour l’hiver, qui quêtait dans la rue la veille de Noël. D’accord, c’était largement inspiré d’un conte que j’avais entendu à la radio, mais tout de même, j’ai aimé l’expérience d’écrire pour les autres.

Depuis, j’ai écrit des centaines de textes, probablement des milliers, je ne les ai pas comptés. Je n’ai pas changé le monde, loin de là, mais je pense que j’ai fait mon gros possible dans toutes les fonctions que j’ai exercées, principalement le journalisme. À l’aube de mes 70 ans, je repose mon clavier un peu fatigué. Vous venez de lire le dernier billet de PH. Merci.