Chronique

Lettre au maire

paul-henri_freniere

Si je prends le temps de t’écrire aujourd’hui, c’est que je me suis senti personnellement visé par ton dernier discours devant la Chambre de commerce. En particulier, le passage où tu déplores que certains Maskoutains de longue date sont négatifs et « chialent » trop souvent contre les initiatives de l’administration municipale. Ça m’est arrivé à quelques occasions de critiquer vos orientations dans cette chronique.

Mon ancêtre Isaac a installé ses pénates à Saint-Hyacinthe au milieu des années 1800. Je fais donc partie de la cinquième génération à vivre ici. Alors, plus Maskoutain que ça, tu meurs.

J’ai vécu dans d’autres villes durant mes études, notamment à Québec et Montréal. Honnêtement, j’étais content d’aller voir ailleurs, de changer d’air. Mais lorsque je suis revenu après quelques années, j’ai comme redécouvert une ville, somme toute, fort agréable. Ni trop grosse, ni trop petite, juste correcte. Je comprends les nouveaux arrivants qui font le même constat.

Lorsque tu dis que les Maskoutains sont réfractaires aux changements, de quels changements parles-tu au juste? Détruire une grande partie des trottoirs de la ville? Planter des parcomètres high-tech un peu partout? Détruire des logements abordables pour faire des stationnements? Aligner une série d’édifices de huit étages le long de la rivière? Ce sont toutes des initiatives qui se sont butées à la réprobation populaire. Bien sûr que ça doit froisser l’ego d’un maire. Mais c’est ça la démocratie.

Devant le parterre familier de la Chambre de commerce, tu t’es sans doute senti plus à l’aise d’exprimer le fond de ta pensée. J’y ai perçu un brin de frustration, voire un certain mépris envers une catégorie de tes commettants : les chialeux, ceux et celles qui contestent les décisions du conseil.

Comme il n’y a pas de parti d’opposition municipal, c’est durant la période de questions que les Maskoutains et les Maskoutaines peuvent porter la parole citoyenne. Elle est souvent relayée par les médias locaux, particulièrement les journaux dont c’est la mission d’être parfois critique.

Tu prétends que tout cela donne une image négative de la ville et nuit à son développement. Mais voilà, nous n’avons pas tous la même conception de ce qu’est le développement.

Pour toi, la croissance de la ville passe nécessairement par la densification de sa population, atteindre 60 000 habitants le plus tôt possible. Comme nous sommes entourés de terres agricoles, cela implique la construction d’édifices en hauteur. On sent l’entrepreneur en toi qui est pressé de passer à l’action.

Mais en politique, ça ne marche pas de même. Ce qui compte, ce n’est pas la quantité de personnes qui habitent un territoire, mais bien la qualité de vie de ceux et celles qui y vivent déjà. Tant mieux si cela attire de nouveaux arrivants.

Cela dit, je ne doute pas de ta bonne foi. Je suis certain que tu prends ton rôle de maire au sérieux et que tu veux le meilleur pour ta ville.

Mais un conseil : prends le temps d’écouter la parole citoyenne, particulièrement celle des jeunes qui aspirent à un environnement sain dans le cadre d’un développement durable. Et à celle des vieux, comme moi, qui sommes fiers de vivre à Saint-Hyacinthe depuis des générations et qui veulent le rester.