Chronique
Vallée du Wapiti

Noble bête, le wapiti

Christine Langelier et Mathieu Lavallée devant l’un de leurs enclos. Photo Roger Lafrance

Il y a différentes façons de développer notre ruralité. On peut miser sur un produit du terroir et le remettre au goût du jour. On peut aussi tabler sur une production totalement nouvelle, venue d’ailleurs.

C’est ce qu’ont choisi Christine Langelier et Mathieu Lavallée avec La Vallée du Wapiti, à Saint-Bernard-de-Michaudville. En fait, ce n’est pas tout à fait vrai. Les wapitis ont déjà vécu dans le sud du Québec, mais la colonisation a chassé cette espèce qui vit maintenant dans l’Ouest canadien et américain.

Mathieu Lavallée a toujours rêvé d’avoir sa propre ferme. Cependant, quand on ne vient pas d’une famille d’agriculteurs, il est difficile de s’établir dans une production aussi structurée que le lait ou le poulet. Grand amateur de chasse, il a ensuite pensé à un élevage de cerfs de Virginie, mais là aussi, il faut un permis et il n’y en avait pas de disponible.

Christine Langelier et Mathieu Lavallée devant l’un de leurs enclos.  Photo Roger Lafrance

C’est lors d’une visite au parc Oméga, en Outaouais, qu’il découvre le wapiti, un gibier dont le panache fait rêver bien des chasseurs. Le couple décide alors de se lancer dans l’élevage de cette espèce sur la terre qu’ils louent à Saint-Bernard-de-Michaudville. Dix ans plus tard, ils ont pu rentabiliser leur ferme en plus d’en faire l’un des attraits agrotouristiques de la région maskoutaine.

« C’est un bel animal, le wapiti, affirme fièrement Mathieu Lavallée. C’est une espèce noble. Quand on regarde nos enclos, nous avons un bel élevage. »

Les sources de revenus de la ferme sont multiples. Misant au départ sur la production de viande, Christine et Mathieu ont diversifié leur marché, notamment en tablant sur la chasse. L’élevage de mâles qu’ils revendent à des territoires de chasse est leur activité la plus lucrative. Les chasseurs, dont certains viennent de très loin à travers le monde, paient des fortunes pour chasser cet animal au panache extraordinaire.

Le panache est aussi une source de revenus à part entière puisque les mâles perdent leurs cornes chaque année. Celles-ci sont revendues à des fins artisanales ou médicinales, car dans certaines contrées, on leur prête des vertus aphrodisiaques.

Évidemment, la production de viande n’est pas en reste. « Le wapiti est une viande très appréciée, informe Christine Langelier. Elle est riche en protéines et en fer, et convient aux personnes qui doivent faire attention à leur cholestérol. »

Les pièces de viande sont disponibles à la ferme. Sinon, on peut aussi y goûter au restaurant L’Empanaché, où elle trône au menu, ou encore, au saucissier William J. Walter, au Marché public de Saint-Hyacinthe.

À cela s’ajoute la revente de sujets à d’autres éleveurs. La ferme fait même appel à l’insémination artificielle pour améliorer la génétique de son troupeau!

Une bête sociable… mais pas tout le temps

En général, le wapiti est une bête sociable. Il ne craint pas l’humain. Dans l’ouest du pays, à Banff, entre autres, il n’est pas rare de les voir se balader entre les voitures ou en zone urbaine !

Par contre, il demeure une bête sauvage. Pendant la période du rut, entre août et décembre, même Mathieu n’ose pas pénétrer dans les enclos où il garde ses mâles. Ceux-ci entrent en lutte pour s’approprier le rôle de dominant dans le troupeau. Pesant entre 800 et 1100 livres, le mâle adulte demeure un animal imposant.

Toutefois, le wapiti est un animal facile à élever, peu sujet aux maladies. Il mange principalement du fourrage et est bien adapté à notre climat. Les chaudes journées d’été sont les plus difficiles pour lui.

Depuis 2013, La Vallée du Wapiti a développé un volet agrotouristique. Un centre d’interprétation a été aménagé où Christine Langelier, qu’on surnomme parfois Mme Wapiti, y explique les différents aspects de cette espèce hors du commun. Les visites se font sur rendez-vous et la ferme accueille familles, écoliers ou visiteurs étrangers en quête d’une touche d’exotisme.

Quelques siècles après avoir été chassé de nos forêts, le wapiti effectue ainsi un retour dans toute sa noblesse, enrichissant notre paysage rural.