Chronique

Pandémie à l’ancienne

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On dit que la COVID 19 nous a plongé dans une nouvelle réalité. Distanciation physique, masques, confinement et déconfinement stratégique sont devenus la norme. Mais dans les faits, le monde a connu d’autres pandémies dans le passé, dont la « grippe espagnole » en 1918 et 1919.

Comment nos aïeux ont-ils vécu cette épreuve à l’époque? Au temps où il n’y avait pas de télévision, pas d’internet et que la radio en était à ses premiers balbutiements, on pouvait tout de même écrire. Les archives sont là pour témoigner.

Un médecin de Saint-Hyacinthe, aujourd’hui décédé, a écrit une série de textes sur les effets de cette pandémie dans la région. Au cours des années ’90, le docteur Jean Lafond a compulsé les vieux journaux et les témoignages de contemporains des événements pour publier le résultat de ses recherches actuellement disponible sur le site web du Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe.

La première chose qui m’a frappé à la lecture, c’est l’omniprésence de la religion. Entre autres, on note que les religieuses de l’Hôtel-Dieu « ont secouru 713 malades dans 158 familles. Elles ont fait 890 visites à domicile… » peut-on lire.

À l’instar du personnel infirmier dans nos hôpitaux d’aujourd’hui, certaines sont tombées au combat. Huit Sœurs sont décédées en donnant des soins, dont de très jeunes.

À Saint-Hyacinthe, en 1918, la population était d’environ 10000 personnes. On a rapporté une centaine de décès dus à cette maladie, incluant deux médecins.

À l’époque, les CHSLD n’existaient pas, on gardait nos vieux à la maison. L’endroit où les gens étaient confinés en groupe, c’était les pensionnats. Au Séminaire de Saint-Hyacinthe, au plus fort de la crise, 25 pensionnaires sont infectés et alités.

Désobéissant à l’ordonnance du « Bureau provincial de l’hygiène », la moitié des collégiens quittent alors l’institution pour retourner chez eux. Quelques jours plus tard, le Séminaire autorise l’exode de l’autre moitié. Pendant ce temps, chez les filles, à l’École des Soeurs de La Présentation, on enregistre 17 décès. Il faut dire que le virus s’attaquait principalement aux jeunes.

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Sur une note plus légère, les adultes essayaient toutes sortes de choses pour se prémunir de la maladie. Paraît-il que la térébenthine était très populaire. On l’utilisait en inhalation ou en gargarisme. On n’est pas très loin du Lysol de Donald Trump…

Par ailleurs, le whisky était très apprécié. On le recommandait pour ses propriétés médicinales, ce qui en réjouissait plusieurs. Mais comme cette boisson coûtait cher, on a vu apparaître dans les campagnes environnantes des distilleries artisanales et clandestines qui fabriquaient un alcool qu’on appelait « bagosse ».  Plusieurs rasades par jour ne protégeaient pas du virus, mais au moins, on oubliait qu’il existait…

Évidemment, les choses ont bien changé en 100 ans. La science médicale et les moyens de communication ont énormément évolué. Mais l’Humain reste l’Humain…

On a rapporté que la deuxième vague de la grippe espagnole a fait davantage de morts que la première. On attribue cela au relâchement des mesures de restriction comme la distanciation physique. Et c’est peut-être la principale leçon que l’on doit retenir de la pandémie de 1918.