Chronique

Pas de quartier pour le centre-ville

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La Ville a démontré qu’elle avait « plus d’une tour » dans son sac. Le 17 décembre dernier, lors d’une séance publique, elle a adopté les deux règlements modifiant le plan d’urbanisme du secteur centre-ville.

Ces derniers viennent créer une nouvelle zone, dite « centre-ville riveraine », où pourront être construits des immeubles de six à huit étages. Cela en marge du magnifique projet de la promenade Gérard-Côté, un projet de quelque 33 millions présenté par la firme Daoust Lestage, le 7 novembre dernier, lors d’une soirée d’information sur la promenade et sur divers dossiers du centre-ville ; soirée où nous n’avons pas appris, à titre de citoyennes et de citoyens présents, que la Ville se servirait du projet de la promenade pour faire avaler à sa population des tours de six à huit étages dans notre centre-ville.

La séance publique du 17 décembre, où ont défilé de nombreuses personnes venues exprès afin de questionner leur Ville sur ces règlements, leurs impacts au niveau environnemental et social, s’est, hélas, terminée comme il en avait été décidé au départ : les deux règlements ont été adoptés séance tenante. Rien de bien rassurant pour quelqu’une qui, comme moi, habite le centre-ville, et qui sera bientôt complètement enclavée entre des tours de huit étages (car j’ai l’insigne honneur d’habiter dans la zone H-32 permettant l’érection des monstrueuses bâtisses de huit étages).

Ce qui ne me rassure pas outre mesure non plus, et qui m’inquiète particulièrement lorsque j’entends nos conseillères et conseillers le défendre, c’est que la Ville ne s’engagera pas dans la construction résidentielle. Elle laissera au privé le soin de le faire… C’est comme si un commerçant de bonbons en donnait la gestion à des enfants.

Comme je l’ai dit plusieurs fois déjà, le rôle d’une ville, d’un gouvernement de proximité, n’est pas de paver la voie au privé… aux frais des contribuables, et à plus forte raison, sur le dos de celles et de ceux qui résident déjà dans le quartier et qui n’en veulent pas, des tours de six à huit étages qui vont faire de l’ombre à leur demeure et leur couper la vue. Alors, notre Ville adopte-t-elle des changements au plan d’urbanisme parce que c’est de cette seule manière qu’elle a pu trouver une façon de contourner les très légitimes questionnements citoyens ? Est-ce ce que nos élues et élus ont compris des enseignements des citoyennes et des citoyens consultés lors de la dernière année et pendant la campagne électorale ? Vraiment ?

Voulez-vous bien me dire où il est écrit, dans les comptes-rendus des rencontres de consultations citoyennes, que nous voulions des tours de six à huit étages au centre-ville, à plus forte raison sur le bord de la rivière, pour nous en couper l’accès ?

J’ai été de pratiquement toutes les rencontres de consultations, au centre-ville et, aussi, dans les autres quartiers, pour encourager notre Ville à écouter ce que les citoyens avaient à dire et saluer le fait que la Ville consultait. J’ai aussi participé, depuis le début, au comité « Jasons centre-ville », aidant même à le mettre sur pied. Encore là, jamais au grand jamais la destruction de logements abordables au centre-ville (étant, par ailleurs, le secteur le plus densifié déjà de la Ville) au profit de résidences de huit étages n’a fait partie des objectifs de ce comité. Nous avions même décidé de tenir compte d’une donnée majeure : le fait qu’environ 3 500 personnes habitent ce secteur.

Or, dans les plans de la Ville de Saint-Hyacinthe, avec ses tours de six à huit étages, on ne tient aucunement compte des résidentes et des résidents ! Je le sais parce que je ne parle pas qu’en mon nom. J’ai fait ce que la Ville prétend faire depuis un an : j’ai consulté mes voisines, mes voisins. Beaucoup de personnes de la zone centre-ville riveraine. Et elles n’en veulent pas.

Alors, quand la direction et le conseil de la Ville tentent de nous faire avaler que c’est nous, les citoyennes et citoyens, qui voulons des tours, ça ne passe pas. Que la direction et le conseil de la Ville tentent de nous faire avaler que ce sont encore les citoyennes et citoyens qui voulaient de ce projet spécifique de promenade : c’est encore faux. Vous pouvez relire à votre guise les mémoires déposés lors de la consultation de la promenade, nulle part vous y trouverez que les citoyens souhaitent une promenade de 33 millions.

Cette promenade, on cherche à nous l’imposer, arguant que c’est nous qui la voulons ainsi, alors que la Ville n’a pas les moyens financiers et, pire, qu’elle se sert du prix astronomique de sa réalisation afin de nous faire avaler les odieuses tours de six à huit étages devant être financées par le secteur privé. Tout cela en gardant le silence le plus complet sur une autre manœuvre de la Ville qui est complètement passée inaperçue : la légalisation des stationnements publics, créés par la Ville dans l’ensemble du centre-ville de Saint-Hyacinthe.

Je me souviens d’un registre gagné, et qu’un référendum municipal, portant sur le changement de zonage de résidentiel à stationnement public, devait être tenu un certain 9 juillet 2017. Les citoyennes et citoyens du centre-ville avaient cherché à protéger les trois résidences et leurs locataires de l’éviction et de la perte de logements abordables au centre-ville. Devant l’opposition citoyenne, la Ville avait fait le choix de retirer sa propre demande de changement de zonage, ce qui a fait s’effondrer le processus d’approbation référendaire prévu.

Or, le 17 décembre dernier, la Ville a encore réussi à se soustraire à l’exercice démocratique : elle a profité des règlements de modifications au plan d’urbanisme pour régler une bonne fois pour toutes la question des stationnements illégaux en zone résidentielle. C’est un bon « tour », je dois l’admettre.

Pas de quartier pour la démocratie. Pas de quartier pour le centre-ville.

J’espérais vraiment plus de ma Ville qui s’était engagée, au printemps dernier, dans ses chantiers mobilisateurs 2018-2021, à « Définir et déployer une vision partagée du centre-ville ».