Chronique

Et puis, le Bloc?

La démission de Daniel Paillé a ramené l'éternelle question de la pertinence du Bloc québécois à Ottawa. La cuisante dégelée qu'a subi le parti aux dernières élections fédérales avait déjà préparé le terrain pour les tenants de sa disparition. Seulement quatre députés élus : quelle débandade! On oublie que le Parti progressiste conservateur n'avait fait élire qu'un seul député en 1993 : un certain Jean Charest…

Je me souviens très bien de cette élection très particulière. Le parti fondé par Lucien Bouchard était alors gonflé à bloc (scusez-là). On s'attendait à une belle performance au Québec, mais jamais de devenir « l'Opposition officielle de sa Majesté ». Ce fut pourtant le cas.

Un contingent de 54 députés souverainistes débarquent donc à Ottawa. Le mot d'ordre : défendre les intérêts du Québec jusqu'à sa souveraineté politique.

Tous les espoirs étaient permis pour le référendum de 1995. La « machine » souverainiste n'avait jamais été aussi bien équipée en ressources humaines et matérielles. Le Québec avait élu 77 péquistes à l'élection de 1994. Avec les 54 bloquistes, cela totalisait 131 bureaux de comté à l'intérieur desquels le personnel s'activerait pour la cause.

Dans Saint-Hyacinthe, par exemple, Léandre Dion était député pour le PQ et Yvan Loubier pour le Bloc. Le OUI l'a emporté haut la main, comme dans toutes les circonscriptions à majorité francophone d'ailleurs. Mais on connaît le reste. L'argent et les ethnies, dixit Parizeau…

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Après la courte victoire du NON, le Bloc s'est appliqué à devenir une « bonne opposition », en ce sens que les députés se sont appropriés tous les dossiers, même ceux qui ne touchaient qu'indirectement le Québec. Sous la férule de Lucien Bouchard, la discipline régnait et très peu se sont aventurés à contester les décisions du chef. Gilles Duceppe a appliqué par la suite la même médecine.

Grosso modo, ils ont bien fait leur travail. Certains observateurs – incluant des journalistes spécialisés en économie -, ont affirmé que le député de Saint-Hyacinthe – Bagot, Yvan Loubier, était le meilleur critique en matière de finances que le parlement canadien avait connu.

Mais cela n'a pas empêché le ministre des finances d'alors, Paul Martin, de passer à peu près tout ce qu'il voulait – notamment une réforme de l'assurance-emploi qui transformait le régime en planche à dollars pour les coffres du gouvernement.

C'est la prérogative d'un gouvernement majoritaire qui peut faire fi de l'opposition pour fixer son agenda et établir ses règles. L'actuel premier ministre Stephen Harper pousse cette distorsion du système parlementaire canadien à un extrême encore jamais vu.

Le parti qui a remplacé le Bloc dans le cœur des Québécois, le NPD, se retrouve dans le même état d'impuissance. On aura beau faire signer des pétitions à répétition, déchirer sa chemise à la période de questions, les conservateurs iront de l'avant dans leur redéfinition du Canada. Et les Québécois suivront, ils n'ont pas le choix. Conséquences du référendum de 1995…

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Qui représentera Saint-Hyacinthe—Bagot à l'issu de la prochaine élection fédérale?

L'actuelle députée du NPD, Marie-Claude Morin, sort d'une longue période de convalescence (et d'absence). Mais en 2015, il y a fort à parier que les électeurs ne s'en souviendront même pas.

Du côté du Bloc, une lutte à deux se profile pour remporter l'investiture, à savoir Ève-Marie Thai Thi Lac (ancienne adjointe du député bloquiste Yvan Loubier) contre Michel Filion (ancien attaché politique du député péquiste Léandre Dion).

Le problème n'est pas là. Qui sera le leader du Bloc en 2015? Quand on sait que le résultat du vote tient en grande partie à la performance du chef en campagne électorale, on se retrouve devant une grande inconnue. Et pour le moment, les candidats ou les candidates ne se bousculent pas aux portillons…

Quant au Parti conservateur, il va parachuter comme d'habitude un bon soldat pour livrer les lignes du parti en lui faisant miroiter que s'il perd, il pourra toujours compter sur une autre job, même au sénat…

Le vrai suspense risque de venir du Parti libéral du Canada. Tout dépend des sondages qui sortiront à quelques mois des élections. Si Justin Trudeau a la cote auprès des électeurs francophones, des candidats locaux pourraient bien se manifester. Peut-être même de notre conseil municipal, qui sait?