Chronique

Les lèvres de Léo

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C’était le tout premier numéro de Mobiles, en mai 2004. Sur la page couverture, une grande photo de Marcel Blouin intitulée Les lèvres de Léo. C’étaient les lèvres de son fils, Léo Bureau-Blouin, celui qu’on a vu sur toutes les tribunes ces dernières semaines, l’un des organisateurs de la grande manifestation étudiante qui a regroupé plus de 200 000 personnes à Montréal le 22 mars dernier.

 

Marcel Blouin est à l’origine de Mobiles. Normal qu’il ait choisi cette photo, ayant fait partie de l’une de ses expositions, pour illustrer la première page de son « bébé ». Léo était un enfant à l’époque. Il a servi de modèle à son père qui était photographe et qui est, depuis quelques années, le directeur d’Expression, le centre d’exposition de Saint-Hyacinthe.

Les deux se sont retrouvés, dans la nuit de ce fameux 22 mars, non pas devant une bière, mais dans un studio de la Première chaîne de Radio-Canada pour répondre aux questions de l’animateur Bernard Faucher à la Nuit qui bat.

L’animateur a confié à René Homier-Roy, plus tard, qu’il les avait invités parce qu’il avait été touché par la lettre de Marcel parue dans Le Devoir quelques jours auparavant. Ce texte, intitulé Lettre à mon fils Léo, se terminait par un commentaire que l’on entend trop peu souvent d’un père à son fils : « je suis drôlement fier de toi ».

Marcel a eu la gentillesse de me faire lire sa lettre avant qu’il ne l’envoie au Devoir. Il hésitait à y mettre ce dernier paragraphe où il fait publiquement cette déclaration à son fils. Je l’ai encouragé à le faire. Justement parce que ce sont des choses que l’on entend trop peu souvent : je suis fier de toi, mon fils, lâche pas !

 

Faut dire que Léo a fait une maudite bonne job comme président de la Fédération étudiante collégiale du Québec. À chacune de ses interventions que j’ai pu capter dans les médias, j’ai lu ou entendu un discours articulé et cohérent, ce que l’on ne peut pas dire de beaucoup de politiciens…

Le fait qu’aucun incident regrettable ne se soit produit lors de la manifestation tient pratiquement du miracle. Même les autorités policières ont félicité les organisateurs, faut le faire !

Et cette remarquable discipline tient en grande partie de la teneur des propos de Léo. En gros, il disait qu’il fallait riposter au gouvernement Charest par la « force du nombre » et non par la casse. L’idée d’inclure les professeurs, les parents et toute la classe moyenne à cette protestation aura eu un effet rassembleur indéniable.

À propos, la politique, est-ce que ça t’intéresse, Léo ? La question a été posée à son père Marcel dans le studio de Radio-Canada. « Il est intéressé, semble-t-il… » a-t-il répondu avec un éclat de rire. Mais le principal intéressé n’est pas pressé. « Je suis bien trop jeune pour faire de la politique » aurait-il répondu à son père.

Léo Bureau-Blouin terminera son mandat comme président de l’association étudiante collégiale en juin prochain. Il pourra respirer un peu, on lui souhaite, et entreprendre des études universitaires.

Il aura l’occasion de choisir une carrière et je ne serais pas surpris que la politique ne soit pas son premier choix. Pas grave, nous t’attendrons, Léo…